Cette semaine, c’est les écrits de l’agrég externe ce qui fait qu’au lieu d’aller retrouver mes petits élèves, j’ai remis ma casquette d’étudiante et je me retrouve devant le centre d’examen tous les matins depuis lundi.
Je pense que je vais avoir besoin d’exorciser un peu tellement une semaine comme celle-là est intense en émotions ! Ceux qui me connaissent savent par quoi mon cerveau torturé peut passer dans ces moments-là. Aller passer l’agrég, ou n’importe quel concours que l’on a passé plus d’une fois c’est un mélange de nouveautés et de vieilles impressions.
Aujourd’hui j’ai eu envie de dresser une petite typologie des candidats que l’on peut croiser autour de soi, ils peuvent être stressés, stressants, rassurants, drôles…
Nous sommes attendus 30 minutes avant le début des épreuves, c’est le 3e jour, la 4e épreuve (la mardi en comporte deux) et certains arrivent un peu plus tard chaque fois. C’est là qu’on se demande si la collègue qui était assise devant vous va revenir aujourd’hui. Là voilà qui arrive, vue les cernes sous ses yeux, la nuit a été courte. C’est la « candidate en colère » : « Punaise, j’ai un de ces mal de dos, ça m’a empêché de dormir toute la nuit ! C’est quoi ces chaises ! C’est inadmissible de nous obliger à composer dans de telles conditions ! Il fait froid, les chaises sont trop raides ! C’est inadmissible ! Et puis franchement l’ancien français ! On en parlera jamais aux élèves! Et le latin et l’anglais ? Qu’est-ce que ça vient faire dans un concours de lettres modernes ? » Personnellement, j’ai arrêté de me poser ces questions en espérant qu’un jour les choses changent, c’est trop déprimant.
Assise sur ma chaise depuis plus de 2h, je lève le nez pour regarder autour de moi. Comme il n’est pas possible de faire des pauses Facebook au milieu d’un examen, on s’aère l’esprit comme on peut. A côté de moi, « la reine du brouillon », cela fait trois fois qu’elle demande à la surveillante du rab de papier, elle a déjà gratté plus d’une dizaine de pages de plans, de citations, d’analyses. Au bout de 4h (l’épreuve en dure 7) , elle commence à rédiger. Ce doit être une machine à écrire !
Derrière moi « le Sanibroyeur » ! Entre la toux, les reniflements de nez qui veulent concurrencer la trompette d’une fanfare, les éternuements si discrets que vous bondissez sur votre chaise, vous ne regrettez qu’une chose ne pas avoir de bouchons d’oreille. Bon, elle a un rhume, c’est vrai qu’il fait froid. ça ne peut pas être pire ? Attendez ! elle sort, un paquet de fruits secs qu’elle semble décider à avaler TOUT AU LONG DE L’ÉPREUVE ! Ses dents font plus de bruits qu’une déchiqueteuse et elle respire (ou ronfle ? ) tout ça en même temps ! Au secours.
Le garde-manger, alors ça ça m’épate ! A côté de la table, un énorme tup dans lequel on peut trouver en vrac des gaufres de liège, des barres de céréales, des clubs sandwich, des bonbons, des chewing gums, des madeleines, un bocal de cornichons, un réchaud avec des rations de survie, etc. Bon j’exagère un peu je l’avoue. Pour descendre tout ça il faut s’hydrater, pas moins de trois bouteilles (véridique) : une bouteille d’eau, une bouteille de coca, une bouteille avec un liquide couleur pipi (je n’ai jamais compris ce que les gens buvaient dans ces bouteilles douteuses ). Evidemment, c’est au cas où parce qu’on n’a pas si faim que ça dans ces moments ou on n’a pas le temps. Mais il faut être prévoyant, 7h c’est long quand même.
Chaque année, j’en vois une rentrer : la femme enceinte. Alors elle, je l’admire. Comment supporter la pression dans ces moments-là ? Mais comment tenir avec un bébé dans le ventre ? Quelle force !
Cette année c’est moi la femme enceinte ! Hahaha je peux vous dire que je ne force pas le respect ! Je vais faire pipi toutes les heures, je viens en touriste, je n’ai lu que la moitié des œuvres, bref c’est un coup pour rien. Pas de quoi forcer l’admiration mais c’est quand même sympa de voir le regard de la jeunesse sur mon bedon. Oui, car je suis une vieille désormais, faut s’y faire.