L’Homme qui rit

Comme je n’ai plus tellement d’histoires à raconter sur mes élèves (il m’en reste quelques unes en réserve que je vais essayer de faire tenir jusqu’à la rentrée)  et que mes journées sont de fait moins remplies, je me suis attaquée à ma pile de « livres pour plus tard quand j’aurais le temps ». 

Et cette semaine j’ai lu  L’Homme qui rit de Victor Hugo.

La première fois que j’ai entendu parler de ce roman c’était les copines de la prépa d’en face qui devaient le lire pour leur cours de lettres. L’objet lui-même était un pavé (comptez 850 pages environ) et outre leur fierté d’avoir accompli la prouesse de le lire jusqu’au bout, elles étaient unanimes : « ce livre est génial, la fin mon dieu la fin ! »

A cette époque, mes connaissances sur Hugo étaient assez limitées. J’avais lu Le dernier jour d’un condamné en Seconde, quelques poèmes par-ci par-là mais pas plus. Je savais que Victor Hugo était un auteur qui pèse dans le game comme diraient mes jeunes mais je n’en avais pas fait l’expérience.

En Licence, je me suis inscrite à un cours sur Les Misérables. Le prof nous l’avait très bien vendu : « Si vous ne le lisez pas avant votre concours, vous n’aurez jamais le temps de le lire. » Et en effet, un semestre pour lire les deux tomes et les quelques 1500 pages ce n’était pas de trop. Mais quelle rencontre. Je suis tombée folle amoureuse d’Hugo avec cette saga. Je connaissais l’histoire pourtant, j’avais vu les différents téléfilms mais ça n’avait rien à voir. Aujourd’hui encore, cette oeuvre compte parmi les rares qui m’ont bouleversée.

L’avantage avec Hugo c’est qu’il sait tout faire et qu’il a tout fait : des pièces, des romans, des poèmes, des lettres, des essais, des discours… Choisissez n’importe quoi dans son CV et foncez les yeux fermés vous ne risquez rien.

Alors L’Homme qui rit dans tous ça. C’est difficile de donner envie de lire sans pour autant spoiler l’histoire.

Si je devais faire un résumé très court je dirais : c’est une saga comme Hugo sait les faire où les destins de différents personnages sont tissés tout au long de l’histoire et où finalement tout fait sens. L’histoire se déroule dans l’Angleterre du XVIIe siècle sous le règne d’Anne après l’échec de la révolution anglaise. A côté de l’Homme qui rit, les Misérables c’est le club méd. Les personnages sont malmenés par les puissants, il y a du suspense, des morts, des tortures, c’est Game of thrones ! Chaque chapitre vous donne envie de dévorer la suite. C’est extra ! Il y a des rebondissements, de l’aventure, de l’amour, de la politique, des envolées lyriques: le tout à la sauce Hugo. Je reste vague à dessein mais je ne voudrais pas vous gâcher le plaisir de la découverte. Pour en dire un peu plus, sachez qu’à cette époque le commerce d’enfants était autorisé par le roi et qu’une mafia espagnole les mutilaient afin d’en faire des phénomènes de foire. L’Homme qui rit c’est l’histoire d’un de ces enfants dont le destin va être quelque peu bousculé.

Ah ! et pour les plus frileux, ceux qui se disent « Hugo c’est pas pour moi », ceux qui pensent qu’ils sont condamnés à lire du Marc Lévy, essayez simplement. Déjà, c’est beaucoup moins cher donc vous ne risquez pas la faillite, c’est même gratuit en ligne au format ebook, et en plus Hugo ça se lit tout seul. Vraiment, ce n’est pas alambiqué, c’est très imagé, c’est une langue moderne, vous êtes en sécurité avec lui.

Que dire de plus, Hugo c’est beau et ça rend intelligent, alors pourquoi s’en priver ?

N.B : mon édition était celle du livre de poche, la 4e de couverture vous révèle un des nœuds de l’intrigue et les notes vous font des trucs du genre « et on peut déjà voir que dans trois chapitres il va mourir » ce qui m’a fait hurler donc je la déconseille. Prenez-en une pas chère sans note vous serez tranquille.

La remplaçante

Voilà maintenant deux mois que je suis arrêtée et depuis deux semaines je suis enfin remplacée.

Bonne nouvelle pour les parents et pour les élèves qui vont enfin retrouver une activité littéraire normale.

De mon côté, tout un tas de sentiments contradictoires ont fait surface.

D’abord, évidemment, le soulagement, elle va pouvoir prendre le relais, tout le monde va être apaisé, en plus elle a repris toutes mes heures donc mes deux établissements et mes quatre classes.

Puis vient l’inquiétude hypocrite. « Elle a l’air très bien dans ses baskets c’est sûr mais mes élèves sont spéciaux, faut savoir les prendre, olalala j’espère franchement qu’ils vont se tenir… »

ça c’est ce que je dis aux gens.

La vérité c’est :

l’inquiétude narcissique: « mon Dieu mais si jamais ça se passe trop bien, ils vont finir par m’oublier et même être ravis que mon année se soit écourtée. S’ils l’aiment plus que moi, je ne le supporterai pas ! »

Suivi de l’abominable : « et si en plus toute l’équipe l’adore parce qu’elle est au top pédagogiquement, qu’elle est super sympa et qu’elle est toujours open pour aller boire des coups… »

Je l’ai eu une fois au téléphone et on a dû s’échanger deux mails maximum. Je lui ai proposé de créer du contenu pour l’aider mais elle a décliné. Elle s’est contentée d’une séquence de 5e sur Perceval. Et puis silence radio.

« -ça a été avec les 6e ?

-oui, je les ai eu deux heures ce matin, ils sont un peu agités.

-c’est vrai que c’est une classe difficile mais ils sont très sympas tu verras. Et tu as vu les 4e ?

– Oui ! ils sont venus se présenter spontanément. Très sympa à part deux cas en 43. »

Les traîtres ! Ils l’accueillent avec le sourire ?

Bon, elle doit être formidable, très aimable. C’est bien, très bien même. Les élèves auront une fin d’année paisible. Que demander de plus ?

En prof poule, j’envoie un mail à mon collègue d’histoire-géo pour avoir des nouvelles du collège et savoir comment se passe le remplacement.

« Ta remplaçante a rencontré les 6e ! wah la pauvre elle a eu droit à la totale mais t’inquiète on gère. »

Tu ne connais pas son nom et les 6e ont été insupportables ?

« Ohhhh la pauvre… »

J’ai mauvais fond en fait.