Cet article je l’avais écrit l’année dernière quand j’avais 5h par semaine dans un collège de REP. Je ne l’avais pas publié parce que je l’avais écrit très énervée et que je n’en voyais pas l’utilité. Aujourd’hui, je suis dans une autre ville, un autre établissement et ma foi, c’est une histoire comme une autre où tout ne va pas toujours comme on voudrait.
Vendredi, je rentre dans la salle des profs après une heure de « cours » avec les 6e.
« Ils ont été odieux ! »
Erreur de débutante numéro 1.
A. qui est leur prof principal, part faire une course et revient exprès alors que sa journée est terminée pour me parler du projet de sortie qu’on monte ensemble. Enfin ça c’est ce qu’il m’a dit.
« Comment ils étaient les 6e ? »
Les 6 carnets de correspondance devant moi parlent tous seuls.
Erreur de débutante numéro 2.
« Tu ne mets que des observations et des retenues ? »
Je me surprends à baisser les yeux.
Et là s’ensuit un long monologue ayant pour but de me servir de mode d’emploi du prof en détresse où A. m’explique gentiment, au cas où je ne sache rien faire, comment faire mettre les élèves en rang, les faire rester debout jusqu’à obtention du silence, les cris, les appels aux parents, je vous passe le reste sauf cette conclusion magistrale:
« Rends-toi compte si tu te faisais inspecté (ma pauvre fille), tu les as trop lâché. »
Si j’avais su à quoi j’aurais droit en me plaignant une fois un vendredi après-midi de mes élèves je me serai abstenue.
Disons-le clairement, il m’a vexé. Et si je l’ai été malgré son sourire de pseudo-tuteur à qui je n’avais rien demandé, c’est que je considérais qu’il y avait une part de vrai dans ce qu’il disait. Je suis débutante, j’ai beaucoup de choses à apprendre et j’ai du mal avec cette classe en ce moment. Je n’ai que rarement des moments de silence et le moindre changement d’activité entraîne 3 minutes de bruits en tous genre. Mais ce climat, je ne l’ai pas avec mes trois autres classes. Je les ai avec eux, les 6e de ZUP, de la REP+.
Est-ce que je serai une meilleure prof parce que j’aurais perdu 15 minutes de mon cour à les faire se mettre en rang devant la porte jusqu’à ce que j’ai le silence complet ?
Depuis, c’est la remise en question. Je déserte la salle des profs pour ne pas croiser super teacher, je ne m’occupe plus d’organiser leur sortie, je me suis transformé en terminator braillard à m’arracher les cordes vocales. Résultat : j’ai du silence en classe, je n’ai plus envie de travailler pour eux. L’état de nerf et de fatigue de mes deux dernières heures de cours m’a coupé l’envie de les retrouver.
Et puis ce midi, un prof de math de mon autre collège se plaignait des allocations: vous savez le genre de discussion très enrichissante qui commence par « il y a trop d’alloc en France » et s’achève par « l’allocation de rentrée sert à acheter des télé ». Et quand il a dit non mais allez voir dans la ZUP les écrans plasma qu’ils se payent…! » je n’ai pas pu me contenir. Est-ce qu’il a vu les barres d’immeubles qui peuplent le quartier de la ZUP, est-ce qu’il connaît les taux de chômage de ce quartier, la précarité, les familles et surtout les gosses qui traversent la cité pour venir au collège ? Et il donnerait sa villa de banlieue chic, son monospace et son confort de vie pour une télé ?
Mes gamins de la ZUP ne méritent pas que je les laisse sur le carreau pour un prof qui a raté sa carrière de formateur et qui voudrait m’apprendre à saisir mes identifiants pronote. Alors je reprends tout à 0, à ma sauce sans cri avec un nouveau plan de classe et un autre mode de gestion de la classe.
La suite au prochain épisode…