J’ai revu H. une de mes élèves les plus en difficulté, sortie d’une SEGPA pour arriver dans une 3e générale, avec un contexte familiale très compliqué, des soucis avec l’autorité, etc, etc. [handicap de départ dans la vie + 100]
Je la vois arriver vers moi, un sourire immense aux lèvres et une grande fierté sur son visage.
« Madame ! Il faut que je vous dise, je pars en BAC Pro. J’ai été acceptée ! »
H c’est ce qu’on appelle l’élève compliquée, doux euphémisme pour dire « bombe à retardement ». Celle qui réclame dix fois plus d’attention qu’un élève lambda pour infiniment moins de résultats, avec laquelle vous choisissez vos mots soigneusement et qui met à l’épreuve le Yogi en vous.
Elle est grande, massive, elle a une grosse voix et elle fait peur aux garçons. Cette idée me fait encore sourire.
Elle s’entend très bien avec toutes les filles de la classe sur lesquelles elle exerce comme une aura. C’est une vraie rebelle. Et, ça, quand on a 15 ans, ça a de la gueule.
Elle a des problèmes avec certains profs, surtout les hommes en fait. Mais elle n’est pas ingérable en classe, c’est en dehors qu’elle se crée des problèmes. Et c’est très paradoxal parce qu’on est sans cesse partagé:
« J’aime bien H, elle est touchante et drôle. Ah ? le vélo du petit 6e ? »
La vie n’est jamais noire ou blanche.
Et la voilà, avec son sourire merveilleux, qui a enfin compris que son avenir lui appartenait. Qu’avec un minimum d’autodiscipline elle pourrait faire ce qu’elle voulait.
Quel bonheur ! Elle qui était absente un jour sur 3, renvoyée une semaine par mois, qui n’a jamais rendue aucun papier d’orientation. La voilà fraîche comme la rose, prête à prendre son avenir en main !
J’en pleurais de joie avec elle.
Alors c’est donc vrai ? On peut les sauver parfois ?
*** sonnerie de réveil ***
Fuck.