le paradoxe

Ce que j’aime dans mon collège de REP + c’est que les filles ne se laissent pas faire. Elles ont une grande gueule. Et ça même en 6e, même les plus réservées et les plus sages en classe, elles ne se laissent pas contrarier par les garçons. Alors qu’elle sont immergées pour la plupart dans un modèle patriarcal, où les mères sont voilées, où les garçons sont rois, où elles sont sans cesse ramenées à leur condition de filles qui aident à la maison, etc.

Une fois sortie de la cellule familiale, les règles semblent ne plus s’appliquer.

Merci Ô École de permettre ça !

Et cette inversion des codes fonctionne aussi de l’autre côté.

Les garçons, là encore pour la plupart, qui ont l’habitude de ne pas participer aux tâches ménagères, d’être traités différemment de leurs sœurs, etc. se retrouvent un peu désarçonnés face à une simple réaction (au sens littéral) de leurs camarades filles.

C’est très intéressant à observer et forcément cela donne lieu à de nombreux conflits. Un plan de classe qui alternent une fille et un garçon pose problème, la moindre blague du style « arrêtez vos scènes de ménage tous les deux » peut dégénérer, si j’interroge deux élèves du même sexe d’affilée j’ai toujours droit à des remarques « Hé c’est toujours des filles ! » ou « Hooo encore les garçons ».

Les établissements, les enseignants, et l’ensemble des personnels mènent beaucoup de projets en vue de sensibiliser à l’égalité filles / garçons.

Une de mes 6e, que nous nommerons H. est une de celle au caractère le plus trempé. Elle n’est pas la dernière dans les histoires, elle est respectée parce que sa voix porte haut et qu’elle n’a peur de personne. Elle peut me faire sortir de mes gonds tant on n’a peu de prise sur elle. C’est pourtant une de mes élèves préférées parce qu’elle est drôle, assurée, futée et que je suis rassurée quant à son avenir. Elle s’en sortira par sa force de caractère, par son indépendance et sa rage de vivre.

Et pourtant, en sortant du collège mercredi, je vois H. me faire un grand sourire mais j’ai mis quelques secondes à la reconnaître. Je ne voyais plus ses cheveux, ils étaient entièrement cachés par un foulard et par dessus ce foulard elle avait relevé la capuche de sa veste.

H. est en 6e, elle a 11 ans.

C’est jeune, trop jeune pour porter le voile.

Avant, je me serais dit « Ah oui, bon ben ainsi en va-t-il de sa famille. C’est une question de tradition,etc. » et puis j’ai écouté un entretien de Fatiha Boudjahlat, enseignante en REP d’origine Maghrébine, qui expliquait que ce n’étais pas normal, que le féminisme ne pouvait pas mettre de côté les femmes musulmanes et les laisser se débrouiller avec leur coutumes, qu’il y avait un nouveau patriarcat plus virulent et plus sournois qui s’insinuait dans les familles pour voiler les jeunes filles de plus en plus jeunes afin de les conditionner le plus tôt possible.

Et ça a remis en question pas mal de mes certitudes. ça m’a donné envie de lire ce qu’elle écrivait pour comprendre. D’ailleurs Elizabeth Badinter encensait l’ouvrage en saluant la rigueur intellectuelle qu’il contenait, ce me semble une bonne garantie.

Bref, ça m’a donné envie de comprendre et de pousser la réflexion plus loin. Je vous tiendrai au courant de mes avancées sur le sujet.

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