la panique

« Ouai viens ! Viens ! Je vais te niquer ta mère ! hurle E hystérique sur R en pleurs »

La récré vient de se terminer, je récupère des 4e à fleur de peau. L’ambiance est très tendue. Ce n’est peut-être pas évident mais on n’est pas dans la ZUP aujourd’hui.

Ma séance sur le discours indirect et mes photocopies encore chaudes vont devoir attendre.

J’attends le silence avant de les faire asseoir.E. est rouge comme une tomate, il n’arrête pas de crier « ça va pas se passer comme ça! Arrête de jouer les victimes. »

Il faut deux ou trois minutes pour qu’ils se taisent. Clairement, nous n’allons pas pouvoir démarrer le cours…

« Bon, quelqu’un peut-il m’expliquer ce qui se passe ?

-C’est lui là ! Il m’accuse ! J’ai rien fait et après il va voir le prof pour pleurer ! »

E. est un élève difficile. Il est pénible, agressif, il a un vocabulaire très châtié mais il ne passe jamais à l’acte. Il peut faire peur à certains élèves parce qu’il a une tendance inquiétante à se croire dans la rue en bas des immeubles bien qu’il soit blond aux yeux bleus. Il a comme tous les élèves à problèmes un arrière-plan familial compliqué avec un père qui ne veut pas le voir, qui fait des aller- retour en prison, et une mère très jeune qui ne s’en sort pas et qui préfère lui filer des trampes. Les profs aiment bien E., il essaie, vraiment.

Et R. est un élève que l’EN appelle EIP, soit intellectuellement précoce. C’est pas flagrant dans son attitude mais il est très intelligent d’après ses parents. Pour les autres élèves c’est juste le garçon pénible qui fait des drôles de bruit et qui a un comportement insupportable.

A priori, je comprends l’irritation d’E. Parce que je l’aime bien et que je me dis que parfois R. Cherche un peu les problèmes.

Mais pas cette fois.

La classe qui d’habitude est très spectatrice des agissements de leur camarade rebelle semble ne pas cautionner son attitude et lui intime de se taire.

Ça commence à déborder sévère !

« Bon, L. va chercher Madame la CPE, stp. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les deux élèves sont emmenés dans son bureau.

Et c’est les élèves qui me raconte l’histoire.

E a R dans le nez depuis pas mal de temps, il a fouille dans son sac et lui a pris sa trousse. R, avec raison, n’a pas voulu se laisser faireil est allé le direau professeur qui a ouvert le sac et trouvé la trousse.

Je ne sais pas ce qui a rendu aussi furieux, le fait d’être pris la main dans le sac ou que ses camarades se désolidarisent de lui.

La déception que j’ai ressentie était alors immense, je ne pensais pas que cette graine de caïd si en demande d’attention pouvait tomber si bas.

Mais mes 4e m’ont remplie de fierté ! Enfin, ils avaient refusé de se plier aux chants des sirènes et de juger des actes sans obéir bêtement à la loi du groupe.

On y arriverait alors ?

Une histoire qui date de ce printemps. Aujourd’hui les tensions sont apaisées entre les deux garçons même sils ne seront jamais amis.

C’est les boules

Aller encore une année à ne pas obtenir de mutation !

J’ai plein d’histoires à raconter sur les élèves et je n’ai pas le temps de le faire parce que les fin d’années sont chargées, paradoxalement.

Mais je suis tellement en colère et triste qu’il faut bien que ça sorte.

Alors tant pis, bienvenue dans mon dépotoir à bile noire.

Cela fait 3 ans que je suis TZR. Cette année j’aurais dû toucher une bonification pour me « stabiliser » mais le rectorat a décidé que 3ans ce n’était pas assez précaire alors ils ont repoussé.

Cela fait 3 ans que je dois aller travailler dans un autre département que le mien. Que je suis sur deux collèges et jamais 2 années de suite les mêmes.

En tout j’ai vu 6 équipes différentes avec lesquelles j’essaye de créer un peu de lien.

Chaque année je m’attache à des élèves que je ne verrai jamais grandir.

Chaque année mes chefs d’établissement me disent « on vous aurait bien gardé mais on ne peut rien faire. C’est bien dommage »

Et j’ai tellement les boules.

Pardon, mais je n’attends pas une mutation pour changer d’établissement, comme tous mes collègues tzr, j’attends juste d’en avoir un !

Et c’est pesant.

Chaque année vous apprenez courant juillet où vous serez l’année suivante. En général les établissement sont fermés. Des fois on ne vous informe qu’à la rentrée. C’est pas comme si ça se préparait une année scolaire.

Chaque année je vois des contractuels avoir des postes à côté de chez moi. Pardon, les collègues, votre situation n’est pas enviable, mais même ça, ça nous fout les boules…

Bref je serai encore un « bloc de moyen provisoire », je vais encore boucher les trous de l’éducation nationale car je ne suis visiblement que ça. Je ne suis personne pour le rectorat, je suis le tzr 11E…. 18h à caser. Je serai encore sur l’autoroute toute la semaine à parcourir un autre département.

Et quand je vois les barres d’entrée sur poste fixe je me dis que je n’ai pas fini de galérer.

Alors je dédie ce post à tous les collègues sans établissement fixe, à ceux qui récupèrent toujours les classes et les niveaux que personne ne veut, ceux à qui on peut confier 3 ou 4 niveaux sans se poser de questions, ceux qui se demandent encore comment certains collègues accumulent 800 points, ceux qui voient toujours tout le monde passer devant (vacataire, reconversions, changement de disciplines, malades, famille nombreuses, séparés,…) ceux qui entendent les collègues se plaidnre parce que « pfiou j’ai pas eu mon mercredi » alors que vous courez d’un bahut à l’autre sur votre pause déjeuner…

A nous les bouche trous !