Mercredi après-midi, corvée de correction de copies. C’est long, c’est mal écrit, souvent ça ne vole pas très haut. Je ne sais pas si certains collègues aiment ça, de mon côté c’est l’horreur.
Cela fera 7 jours demain que les 3e ont planché sur leur évaluation de lecture et telle les commandes en retard à Mc do, le voyant rouge et la sirène d’alarme, m’empêchent de préférer une sieste à mon stylo rouge : « la date limite de correction est dépassée ! » m’hurle le tas de copie sur la table.
Le contrôle comportait 21 questions assez rapides et précises dont une question de développement où il fallait donner son avis sur le livre en argumentant. Nous lisons donc Une jeunesse au temps de la Shoah de Simone Veil, extrait de sa somme autobiographique Une vie. Bonus, je n’ai même pas eu à faire le sujet puisque ma délicieuse collègue au nom étymologiquement champêtre, m’a gracieusement tout donné.
Je lis, je lis, je lis… croix rouge – trait – croix rouge – « incomplet » – « développe » – « syntaxe » « familier »…
et puis ça :
« Je n’ai pas trop aimé ce livre, les horreurs qui y sont rapportées m’ont parfois obligé à arrêter ma lecture. Plusieurs fois je me suis demandé comment ceux qui s’occupaient des camps faisaient pour rester de marbre. Mais pourtant, j’ai lu ce livre car je me devais d’accomplir le devoir de mémoire et ainsi savoir ce qui s’est réellement passé et empêcher que cela recommence. » [l’orthographe correcte n’est pas d’origine]
J’en parle souvent mais ces moments de grâce qui surviennent toujours quand on ne les attend pas, ça me fait putain de kiffer aimer fortement mon métier.
D’abord, parce que sa réponse est non seulement d’une extrême justesse et d’une honnêteté intellectuelle rare.
Ensuite parce que C. est d’origine maghrébine. Prenez avec des pincettes ce que je vais écrire, mais ces élèves sont souvent victimes d’islamophobie et de racisme ordinaire. Plus encore, des bien-pensants mal informés taxent souvent les orientaux d’anti-sémitisme reniant purement et simplement la notion de sionisme et prenant soin d’entretenir un conflit millénaire.
Et lui, libre de tout carcan, il a tout compris.
Quand on sait que la famille de Simone Veil était athée et non pratiquante, je pense qu’elle serait fière de l’héritage qu’elle a laissé.
Je leur dis souvent pour les faire réagir qu’ils feraient mieux de se sortir les doigts du nez parce qu’on compte sur leur génération pour sauver le monde et que c’est mal barré à ce compte-là.
Ils vont peut-être me faire mentir.
Tu as raison : Merci Simone !
et merci Madame la professeure de Lettres … de L’Etre … pour ce joli partage. Comme toujours j’adore et j’adhère.
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