dilemme

Il y a une semaine, une de mes élèves vient me trouver. Elle a patiemment attendu que la classe se vide, rangé méticuleusement ses affaires pour ne pas éveiller les soupçons, mais comme cela n’en finissait pas, elle a fini par crier à sa copine:

« Bon, tu sors, je dois parler à la prof. »

J’avais observé son manège de loin mais son impatience m’a fait sourire.

« Voilà, me dit-elle, Tarik, il a des marques.

-Des marques ?

-Oui, qu’il se fait avec son compas, sur son bras. Mais Madame, il m’a demandé de ne rien vous dire. Mais bon c’est grave quand même ! Alors je vous le dis. Mais vous ne dites pas que c’est moi. »

Je remercie le dieu des Professeurs Principaux, qui a permis de me légitimer auprès de mes élèves trois semaines après la rentrée.

Quand je retrouve Tarik le lendemain en classe, je constate en effet les marques. Je choisis de ne rien dire encore pour ne pas trahir sa confidente. Fin de semaine, je lui demande de venir me voir à mon bureau.

« J’ai fait quelque chose de mal Madame ?

-Non, non pas du tout. C’est juste que je suis un peu inquiète pour toi. Tu te sens bien dans la classe ?

-Oui oui, pourquoi ?

-Et bien, parce que j’ai vu que tu avais des marques sur tes avant-bras. Et que ça me semble une bonne raison de s’inquiéter pour toi

– Ah ça ! C’est rien. C’est bon, c’est parce que mes parents travaillent tard le soir. Mais on en a parlé, ça va mieux.

-Bon, n’hésite pas si tu as besoin de quoi que ce soit. Tu viens me voir. »

Je n’ai pas cru un traître de mots de son histoire. Je vais voir la CPE à son propos.

-Ah oui Tarik. Il nous est arrivé l’année dernière. Très obscure sa famille. Les parents sont séparés. On comprend rien à ce qui se passe là bas.

La semaine prochaine, il y a rencontre parents profs, ma classe de 4e ressemblant plus à un Zoo qu’à une classe, je fais la liste de tous les parents que je veux voir (à peu près tous) absolument. Je nomme Tarik.

Dès la sonnerie, je le vois rappliquer à mon bureau.

-Euhhh madame, pourquoi vous voulez voir mes parents ?

-Ben pour les rencontrer tiens. Je suis très curieuse de les connaître.

-Oui mais euh… voilà… quoi… Vous pourriez ne pas leur parler de vous savez quoi. »

Et voilà. Nous y sommes. Le dilemme. Quelque soit le choix qui se présente, je foire un truc. En tant que maman, j’aimerais qu’on me prévienne que mon fils se fait du mal. En tant qu’enseignante, si je veux que mon élève continue de venir se confier à moi, je ne peux pas trahir son secret. Où que je me tourne, je peux blesser. Au fond, on sait toujours ce que dicte le cœur, il suffit de bien écouter. Désolée chers parents…

« Je vais faire ça pour toi Tarik, je ne vais rien dire à tes parents. Mais en échange, tu vas faire quelque chose pour moi, d’accord ? Je vais te prendre rdv chez l’infirmière pour parler de ce petit problème que tu as à gérer, et toi tout ce que tu as à faire, c’est d’aller au rdv, d’accord ?

-Ok, madame.  »

Affaire à suivre.

 

 

 

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