Cela fait plusieurs semaines que certains de mes élèves de 4e me sautent dessus dans les couloirs en mode:
« Madame ! Madame ! Dites à W. que s’il continue comme ça, je vais lui éclater sa tête ! »
Au bout de la quatrième fois, je me suis demandée d’où ça leur venait et s’ils me prenaient pour leur mère.
Et puis j’ai eu la réponse:
« Madame ! Madame ! Dites lui de se calmer sinon je lui éclate la tête ! et vous avez dit que si ça démangeait fallait vous le dire ! »
Ahhhhh oui !
Je ne sais pas ce qui m’a le plus surprise: qu’ils m’écoutent ou qu’ils mettent en application ce que je leur avais dit.
Et effectivement, je me rappelle avoir improvisé une vie de classe sur le langage et la violence après une mise en rang un peu brouillonne à base « d’enculé de ta race » et de « va niquer tes morts ».
Ce jour-là je leur tins à peu près ce langage :
« Vous savez qu’en temps qu’êtres humains, nous sommes des animaux. Et que comme tous les animaux nous obéissons à des pulsions. Et parfois, selon notre humeur, notre fatigue, nos problèmes, on peut se faire envahir par la colère et même la changer en violence. Mais comme nous sommes des humains, nous avons la possibilité de canaliser cette pulsion.
Pour ça vous avez 3 moyens mécaniques:
- le sommeil: vous devez dormir, le manque de sommeil peut rendre fou et empêche de prendre des décisions censées
- l’alimentation: la chute de sucre peut rendre très irritable. Moi, par exemple, si j’ai faim, je peux tuer quelqu’un ! Chez moi,ils ne prennent pas de risque, dès qu’ils me sentent un peu nerveuse, hop ! ils me jettent des morceaux de chocolat.
- Et enfin … les câlins
-Hein ???
-Oui, prendre quelqu’un dans ses bras pendant 30 secondes suffit à produire suffisamment d’endorphine pour vous calmer. Moins cher et plus efficace que n’importe quelle drogue. faites passer le message dans le quartier…
On n’y peut rien c’est neurologique.
-Ouai, madame, je vais pas faire des câlins aux mecs avec qui j’menbrouille le matin !
-ça se discute… mais il reste quand même un autre moyen: la communication. Quand ça vous démange, quand quelqu’un vous titille, vous pousse de plus en plus, désamorcez la pulsion, venez me le dire, à moi ou à n’importe quel adulte en qui vous avez confiance. Comme ça vous sortez de la violence ou vous évitez de vous retrouver punis. »
La semaine dernière Nassim vient me voir parce qu’Ayoub « a traité sa mère » . Je prends Ayoub à part à la fin de l’aide au devoir pour lui en parler. « Ouai mais c’est parce qu’il a mal parlé de ma copine. »
Bon.
Je les prends tous les deux pour qu’ils s’expliquent:
-Nassim, as-tu mal parlé de la copine d’Ayoub ?
-Ouai, c’était comme ça.
-Super… tu veux bien t’excuser ?
-Hummm dé-humm-solé…
-Et toi Ayoub, est-ce que la mère de Nassim a quelque chose à voir avec cette histoire ?
-Non…
-Tu aimerais qu’on parle de ta mère ainsi ?
-Non… désolé…
-Allez faites-vous un câlin ! »
Ils ne l’ont pas fait, mais c’est sûrement parce que j’étais là…
P.S: Demain des nouvelles de Tariq !
De plus en plus jolis, drôles, fins, sympas, heureux-malgré-tout, j’adore les posts de Madame, Madame !
J’aimeAimé par 1 personne
c’est bien trop gentil ça !
J’aimeJ’aime