Où les choses n’étaient pas ce qu’elles semblaient être

J’ai longtemps hésité à raconter cette histoire. Je sais que le texte à propos de cet élève abandonné en foyer a beaucoup ému, et avec raison. Certains m’ont même demandé de ses nouvelles. Je ne sais pas si tout le monde s’en rappelle, elle remonte aux vacances de Noël et avait de faux airs de conte d’Andersen de cité.

Comme vous, j’avais été bouleversée par son récit.

Comme vous, je me suis demandée comment on pouvait faire ça à son enfant.

Et puis, à la rentrée des vacances :

« Tu as eu des nouvelles d’A.? Il m’a écrit des SMS toutes les vacances à me déchirer le cœur… »

Ma collègue CPE a le regard aussi perplexe que ma psy quand je ne règle pas en espèces.

« Ben, il est rentré le lendemain. Son père s’est senti dépassé, il a préféré aller voir la police pour demander à ce qu’il passe la nuit ailleurs. Le lendemain, les éducateurs l’ont ramené chez lui. »

Je vous passe la sidération, les coups de fil à la famille, les entrevues entre assistante sociale et CPE. La nouvelle n’arrivait pas à faire sens.

Il m’a menti. Il m’a trahie ; et ses yeux encore dans les miens quand je lui ai demandé des explications.

Alors je suis passée par tous les stades de la colère : rouge, noire, froide, furieuse.

Et l’éternelle question : comment as-tu pu me faire ça ?

Et la réponse était simple : cela n’avait rien à voir avec moi.

Il m’a menti mais surtout il s’est menti à lui-même. Tous ses appels à l’aide étaient vrais pour lui. Et c’est une douleur et des larmes sincères qu’il m’a présentées, une solitude réelle dans ses messages bien qu’écrits au milieu de sa famille.

Il est des histoires que l’on ne se raconte qu’à soi, auxquelles l’on croit si fort, que l’on se récite le soir comme des prières. Et d’autres en subissent les conséquences.

La réalité a rattrapé A. La classe lui a fait payer cher ses mensonges et il en garde encore des séquelles.

La solitude n’a au bout du compte plus été feinte. Il a été seul un long moment.

Il a tenté de jouer les désabusés, les rebelles. J’ai eu droit à toute la palette du cours Florent pour attirer mon attention. Et un jour, il a été vrai : plus question de déguiser les choses. Je crois qu’il a eu des regrets. « C’est en connaissant ses failles que l’on pardonne celles des autres » m’a dit un jour une amie très chère.

Je me répète ce mantra souvent.

On ne finit jamais de grandir, eux a fortiori.

Ce n’est pas parce qu’on a claqué la porte qu’on en a condamné l’entrée. Le tout, c’est de trouver la clef.

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