Heureux qui comme Ulysse ?

J’ai passé une partie de la journée à corriger les expression-écrites du dernier brevet blanc et ce que j’ai lu, m’a tout de même interpellée.

Le sujet était « Comme Monsieur Linh vous devez quitter votre pays malgré vous, racontez votre voyage. »

J’ai donc lu que les immigrés syriens prenaient des taxis une fois arrivés en France et que le chauffeur les conduisaient gratuitement vers leur nouvelle maison parce qu’ils n’avaient pas d’argent.

Ou encore que de beaux jeunes hommes recueillaient des jeunes filles sans rien demander en échange par pure philanthropie dans leur immense maison.

Bien entendu, une embarcation de migrants est un décor parfait pour une merveilleuse histoire d’amour ou une belle ingénue rencontre un (riche) entrepreneur pour échanger sur leur culture et passer le reste de leur vie ensemble.

Bon, c’est angélique et naïf me direz vous. Jusque-là rien de neuf si ce n’est des jeunes qui n’ont à peu près aucune conscience de la violence du monde, et c’est tant mieux pour eux: ils la découvriront bien assez tôt.

Ce qui me fait rire, c’est que mes jeunes avec leur prénom phonétique qu’on regarde comme « ces gens-là », qu’on accuse souvent de « ne pas être comme nous » n’ont aucune idée de ce qu’est un exil, une expatriation. Je ne sais même pas s’ils se rendent compte eux-mêmes quand ils l’écrivent d’à quel point ils sont «Français», eux, qui utilisent ce terme moins pour décrire une nationalité, qu’une culture différente.

Suffirait-il de se parler pour se rendre compte qu’on est au fond les mêmes et que nos différences se résument à des divergences de perspectives ?

Puis, la copie de Nayla, arrivée en France il y a deux ans, qui vous ramène sur la terre ferme.

« Quitter son pays, c’est comme être un jeune enfant qui doit quitter sa mère. » Transperçant de vécu. Et le récit, tout en simplicité et en modestie, raconte la langue qu’on ne maîtrise pas, la maison qu’on ne quitte pas pendant des mois par peur de l’extérieur où tout est étranger, des autres qui se moquent quand vous répondez mal à une question. Et malgré tout beaucoup de lumière. « Mon pays me manque même si aujourd’hui je suis heureuse où je suis. »

Une réflexion sur “Heureux qui comme Ulysse ?

  1. Très intéressant Juliette , je fais lire chaque année à mes élèves un ou deux livres sur ce sujet . Ils sont toujours éberlués de constater l’horreur du vécu des migrants , des épreuves physiques et psychologiques . Ils me remercient à chaque fois de les avoir « instruits «  sur le sujet . Je te donnerai les titres car je ne les ai pas en tête mais ils sont beaux , faciles à lire et réalistes . Je leur passe aussi des vidéos de sauvetage en mer par l’Aquarius et un autre bateau dont je ne me souviens plus du nom . Du coup, je pense qu’ils auraient été armés face au sujet que les tiens avaient à traiter . J’aborde volontairement des thèmes «  politiquement incorrects » car pour moi la littérature c’ est la
    Vie , l’émotion la beauté mais aussi la laideur du monde . Nous formons des citoyens …(cette année : les migrants , être fille de prostituée ,l’amour de deux ados et le cancer , la guerre au Pakistan entre l’armée et les intégristes, le harcèlement scolaire etc ils adorent …

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