J’ai tellement hésité à écrire ce texte. Il me semble impudique. C’est vrai que c’est un sujet dont on parle assez peu. Et puis, j’ai trouvé que le silence participait d’un certain tabou. Ce matin, il m’a réveillé tôt alors, je vous le livre.
Rien à voir avec mon travail, rien à voir avec mes élèves, rien à voir avec l’Education Nationale, tout à voir avec moi. Désolée d’avance…
Il y a deux mois, un peu moins peut être, j’ai appris, alors que j’allais voir mon médecin pour des problèmes de digestion que j’étais enceinte.
C’était une sacrée surprise.
Une très belle surprise.
C’était un cadeau, une promesse d’avenir, un clin d’œil de la vie. Ça a été tout de suite une vague d’amour et tellement de sourires et de joie autour de moi.
Au bout de quelques temps, des saignements sont apparus. Rien de grave, légers « courants en début de grossesse, inutile de s’inquiéter»
Malheureusement les saignements s’intensifient, des contractions arrivent. On a épuisé Google à la recherche d’un espoir que…
Et puis lors de l’échographie « votre utérus est vide, le sac de grossesse a été expulsé »
Mon gynéco n’est pas une brute. Loin de là. Je crois que face à mes larmes, au silence de mon compagnon, à nos mains serrées l’une à l’autre, il s’est réfugié derrière sa science, son jargon. Et tout ce qu’il a pu dire c’est « je suis désolé. »
Et il n’y avait rien d’autre à dire.
Fausse couche. C’est une expression bien mal choisie. Ce que j’ai vécu, ce que tellement de femmes ont vécu est bien réel.
Un embryon a été expulsé, moi je perdais un bébé.
On m’a dit, le premier trimestre de la grossesse c’est la loterie. On traverse 12 semaines comme le chat de la boîte de Schrödinger. Je suis enceinte et je ne le suis pas. La raison vous dit de ne pas vous attacher, de ne pas vous emballer, on ne sait pas de quoi demain sera fait. Mais votre corps vous fait dormir des après-midi entières. Et d’où sort ce ventre qui avait mis 4 mois à se voir la première fois ? Les œufs ? Non merci, je ne les digère plus. Difficile de se dire que demain tout peut s’arrêter.
C’est une douleur et c’est un deuil.
Je me suis dit que j’étais responsable. Que le match de hand prof élève ce vendredi, j’aurais pu m’en passer. Que j’étais vieille maintenant et que mon corps me lâchait. Que peut être cette deuxième dose de vaccin… foutaises bien sûr. C’est comme ça.
Les saignements étaient si abondants qu’ils m’ont rappelé mon premier retour de couche. Mon ventre était gros comme une outre, tendu. Mais le corps, vide.
Finalement, les jours passent, les traces physiologiques s’estompent.
La vie trouve toujours un chemin.
J’ai été surprise de voir à combien de femmes de mon entourage c’était arrivé sans que je n’en sache rien. comment quelque chose de si courant était finalement si souvent passé sous silence.
Ce n’est pas rien. Ce n’est pas vraiment la vie. Ça fait mal dans son corps et dans son cœur, c’est un espoir qui se meurt aussi.
Aujourd’hui je vais très bien. Mon corps n’a plus de trace. Ma dernière séance de psy m’a permis de tourner cette page.
Je vous livre les mots qu’elle a utilisés pour clore notre séance.
« Cet embryon vous a apporté ce qu’il a pu vous apporter avant de s’en aller et il a vécu ce qu’il devait vivre. Gardez-cela. »
Et pour le reste, ayons confiance.