Première heure de la journée pour eux comme pour moi, entrée en classe plutôt calme et tranquille pour les 5eCata.
Ils savent que c’est la dernière séance avant le rendu du plan de travail. Les plus rapides ont déjà eu leur note et cela semble avoir motivé les autres.
Tout à coup, une sorte de légère agitation des filles se fait autour de Zoé.
Je gronde un peu:
-Ben alors les filles, c’est quoi ce bazar ? C’est pas parce qu’il y a R qui récite sa poésie que ça vous autorise à faire n’importe quoi.
Et là je vois Zoé qui fixe ses mains tremblantes.
-euh Madame, Zoé ne se sent pas bien.
-tu as mangé ce matin ?
-Oui…
– Viens me voir. Tu sais ce qui t’arrive ?
-Je crois que c’est une crise d’angoisse… murmure-t-elle.
-Ahh ben tu ne pouvais pas mieux tomber, tu ne le sais pas mais je suis spécialiste en crise d’angoisse. Viens on va prendre l’air dans le couloir.
La jeune brindille esquisse un très léger sourire.
-ça t’arrive souvent ?
-C’est la deuxième fois…
-Et est-ce que tu sais comment on la fait passer ?
-Non…
Ma petite élève est serrée sous mon bras avec ses jambes qui peinent à la porter.
-Déjà, sache que ce n’est rien. ça finit toujours par passer. Concentre-toi sur ta respiration et écoute-moi te raconter des bêtises. Ok ?
Peu à peu, les tremblements cessent et le rose revient sur les joues. Les autres n’en ont pas profité pour retourner la classe. Ils sont restés là un peu interloqués. Il faut le vivre pour comprendre.
Quelle plaie…. plus ou moins fréquentes selon les périodes, plus ou moins fortes. Avec le temps on apprend à les gérer, à les reconnaître, à les sentir venir. Pas toujours simple de se dire qu’on ne va pas mourir là tout de suite au feu rouge ou le cadis plein au supermarché. Cette sensation qui écrase la poitrine, qui vous fait ressentir le fonctionnement d’organes muets d’habitude, les oreilles qui se bouchent, le sang qui se glace. L’idée écrasante que la moindre épreuve sera insurmontable, que l’on n’est capable de rien si ce n’est se rouler en boule dans son lit en attendant que la vie passe. ça passe toujours, c’est vrai. Mais parfois c’est si fort qu’on en laisse filer le temps et les opportunités. Mais le temps fait son œuvre et nous fait grandir et se dire alors, j’ai peur, j’ai très peur mais ça va aller, je peux m’en sortir. Lutter avec soi-même comme seul ennemi.
-Il y a des moyens pour calmer l’angoisse. Il faut trouver ce qui te fait du bien, ce qui t’apaise. Ecrire, chanter à tue-tête, danser, courir, peindre des arbres en aquarelle. Ne t’inquiète pas, tu n’es pas seule.
pour chanter à tue-tête