« Mais Madame vous pleurez ?! »

Cet après-midi, nous avons eu la chance d’assister à un spectacle de flamenco.

Et quand je dis « nous », c’est on ne peut plus collectif puisque tout le collège est parti en vadrouille pour assister au spectacle.

C’était une sacrée expédition et même si nous n’avions pas à gérer le côté « scène», on sentait poindre partout la nervosité et l’excitation qui caractérisaient les spectacles de fin d’année quand j’étais enfant puis adolescente « Une épingle ! » « De la laque ! » « Comment ça tu as tâché ton costume avec un gâteau au chocolat ??? »

Les crépitements côté coulisse ressemblaient davantage à « ton binôme d’accompagnement est malade, tu prends la classe en charge seul » ou bien « on laisse les sacs ! » « mais on prend les carnets en revanche ! » « on est d’accord qu’ils ne doivent rien manger dans la salle! »

Comme j’avais la chance que mon ventre proéminent me dispense de la marche jusqu’à la salle, j’ai pu observer en souriant tranquillement la ruche s’animer.

Le collège s’est vidé peu à peu au rythme des classes qui s’acheminent vers la destination commune. Et cette impression de laisser vide une maison qui ne l’est jamais.

La salle est pleine de plus de 500 adolescents qui pour beaucoup, n’ont jamais vu de spectacle et qui vont se voir offrir une escapade d’une heure en Andalousie.

Il n’y a rien de semblable à l’émotion que procure le spectacle vivant.

Rien n’est pareil à la musique, au chant et à fortiori à la danse exécutés devant vous.

C’est organique. C’est unique.

Le flamenco, je ne connaissais que via les images. Et c’était beau, tout simplement.

Alors quand la salle s’est rallumée et que tout a été fini, la bulle dans laquelle nous étions a doucement éclaté : et moi j’étais en larmes.

« Mais Madame pourquoi vous pleurez ? »

« C’est les hormones ? »

Et non, ce ne sont pas les hormones. C’est le Beau, c’est l’art, c’est le courage de monter sur scène et de s’exposer de toute son âme en public.

Et il n’y avait rien à cacher.

Mais répondre en souriant « il faut toujours s’émouvoir des belles choses que l’on voit »

Alors quand l’adorable Aurélie, la prof d’espagnol qui a tout organisé, y compris la montée sur scène de sa classe de 6e pour le bouquet final, m’a vue, elle s’est tout de suite écriée :

« Oh mais on va aller lui dire qu’elle t’a fait pleurer ! »

En cette semaine qui annonce la fin d’une année trop courte, c’était beau d’être tous ensemble et de pouvoir être reconnaissant de l’expérience vécue.

Merci ♥️

Compagnie Flamenca Temperamento Andaluz

Adolescence clémentine

« Tu veux bien te taire ! C’est infernal à la fin ! »

Ce n’est pas moi mais Mme M. ma prof d’histoire géo de 4e. Arf ! Elle était insupportable avec ses titres en rouge et ses définitions en vert, les grands paragraphes toujours à 2 carreaux de la marge et les petits à 4. On écrit en bleu et seulement en bleu et un vrai bleu, pas un bleu turquoise.

« Vous me remercierez un jour ! Vos camarades qui sont au lycée utilisent encore ce code pour leur cours »

Ouais c’est ça, ouais. Cause toujours la vieille!

De ce que je me rappelle, on lui voyait le crâne par endroits au travers de ses cheveux roux, ce roux qui faisait faux er qui se voyait. Elle était petite et portait des petits mocassins de prof de l’époque avec des robes mi longues bleu marines.

Je me vois très clairement lever les yeux au ciel et me dire :

« Olalala mais quel drame pour rien ! »

Alors quand hier, je reprends Ralph pour la 3e fois et que je le vois me lever les yeux aux ciels en mode:

« Olala reloue ! »

J’ai pris un sacré coup de vieux !

Mme M, la vengeance est un plat qui se mange froid. Je m’excuse platement devant vos problèmes d’alopécie et la force du karma.

Les yeux au ciel des adolescents.

Ceux qui donnent aux adultes envie de les étrangler et qui pour eux sont d’une discrétion effarante. Mais on vous voit !

J’aimerais vous dire un truc du genre « non mais quand même avant on se cachait plus. On respectait davantage nos profs. »

Mais honnêtement je ne crois pas. en tous cas si j’avais de la crainte, j’avais peu de respect réel je pense. Sans doute parce qu’il était plus important pour moi de savoir ce que Kevin avait bien pu dire à Amandine sur moi ou bien d’écrire un petit mot en cachette dans l’agenda de Jade avec des ronds sur les i et un immense B qui embrassait les lettres « ig isous ien aveux ».

Mais bon sang, 20 ans me séparent de cette époque et je suis fatalement plus Mme M. que Ralph désormais.

Alors crier un coup pour se soulager et se rappeler qu’on n’est probablement que « la petite frisée avec un gros ventre qui s’énervait alors que franchement là j’avais rien fait et que les autres arrêtaient pas de rigoler et que ça tombe toujours sur moi parce qu’elle m’en veut de toutes façons ! »

Où les parents sont revenus

Après deux années perturbées par le coro, les parents sont revenus hier pour récupérer le bulletin de leur progéniture et faire un premier bilan.

Un samedi matin.

Ce n’est pas faute d’avoir pesté toute la semaine que mettre le réveil à 6h30 un samedi était une hérésie, bougonné sur mon weekend raccourci et pesté à la station service en me demandant où étaient les Gilets Jaunes quand on a besoin d’eux.

Mais…

Cela reste malgré tout un moment particulier où l’on prend le temps de comprendre, de discuter, de se rencontrer.

Je ne me rappelle plus qui m’avait dit lors de mon année de stage: « Les parents viennent ne serait-ce que pour voir ta trogne. Tu ne voudrais pas savoir toi avec qui ton gamin passe ses journées ? »

Cette année, nous sommes un prof principal à deux têtes. On est deux à prendre en charge la classe. Bien que je m’inquiétais de ne pas être capable de déléguer, c’est en réalité très agréable de pouvoir partager la charge et vraiment enrichissant de faire avec le point de vue l’autre.

Nous avons donc réparti les rendez-vous, parfois fait des entretiens à deux quand le cas de l’élève s’y prêtait.

Les parents parfois ils vous hérissent le poil, souvent ils vous touchent. Échantillons:

-Le bulletin de Camille est vraiment très beau. Ça pourrait être intéressant pour elle de faire le tour des lycées et de trouver une option intéressante à choisir l’année prochaine, pour qu’elle s’enrichisse encore plus.

-oui, oui ce serait super. Mais avec un bulletin comme ça que voulez-vous qu’elle choisisse ?

-Mais enfin, Monsieur B., elle a 16 de moyenne partout !

-C’est ce que je vous dis ! Elle est bonne partout ! Comment choisir ?!

-haha vous plaisantez ! Vous savez que c’est une chance d’avoir une enfant qui a un si beau bulletin !

-Mais non c’est pire ! Moi j’étais moyen à l’école, moyen moins même… alors le choix était vite fait puisque je ne l’avais pas. Mais là…!

Ces nouveaux riches !

-Il faudrait surtout qu’il fasse attention à avoir son matériel pour toutes les matières. Vous comprenez ? C’est difficile de travailler et suivre les cours s’il n’a que des feuilles volantes en boule au fond du sac.

-Je suis tout à fait d’accord avec vous. Il est tellement tête en l’air ! Il oublie tout mais à la maison c’est pareil, vous savez. Il ne prend rien au sérieux !

-Sinon, j’en profite pour vous demander si vous aviez prévu de commander la photo de classe.

-oh mince ! J’avais tout préparé le bon et le chèque ! Je les ai oublié dans la voiture !

-…

La maman de Milad arrive un peu nerveuse. On s’était déjà parlées avant les vacances. Lorsqu’elle voit le bulletin avec la mise en garde travail agrafée dessus, son visage a pris toutes les couleurs du spectre de la lumière.

-Je suis tellement en colère contre toi ! Tu m’avais promis ! J’ai déjà vu ça tous les trimestres de l’année dernière. Tu sais que j’ai repris le travail, on avait dit qu’on se faisait confiance ! Je me lève a 5h30, je rentre à 22h. Monsieur ne veut pas s’habiller en Kiabi ou en zara ! Je me tue pour lui payer ses habits de marques, pour qu’il ait un toi sur la tête et le frigo plein. Il n’a qu’une chose à faire. Toi ! toi…! Je ne peux même pas te regarder Milad tellement je suis déçue.

Lui, aimerait que le sol s’ouvre sous pieds et le dévore tout cru. Il a la tête face au sol, les yeux un peu rouge.

On était deux pour ce dernier rendez-vous. Mon coéquipier a toujours les mots justes, il est assez bluffant avec sa force tranquille et son recul sur l’école. Il temporise la mère et interpelle le môme.

-Tu peux nous expliquer ce que tu fabriques à la maison ? Comment est-ce que tu travailles ?

-Ben je sais pas , je travaille.

-Ouais mais tu y passes du temps ? Tu apprends tes leçons ? Tu fais les exercices ?

-ouais voilà tout ça…

-Ben alors pourquoi il y autant d’observation pour travail non fait ? il y a bien autre chose qui t’occupe… le téléphone ? La console ?

silence

On essaye de parler du stage, de son orientation.

-Moi ce que je veux pour lui, c’est qu’il ne soit pas dans la galère. Qu’il ait un salaire tous les mois pas qu’il enchaine les chômages. Je ne suis pas contre la voie professionnelle s’il a un projet. Je lui ai proposé de venir dans le médical comme moi, il y a beaucoup de travail. Ou encore la police je sais pas. Il dit non à tout.

-Il fait son stage en mécanique. C’est bien, c’est aussi une voie où il y a du travail vous savez.

-mécanique… non…j’ai eu une mauvaise expérience.

-Ah bon ? le bac pro est bien. Il y a plusieurs branches, il peut se spécialiser. Il y a vraiment du travail pour les bons mécaniciens.

La mère commence à tripoter ses bagues, à s’agiter un peu sur sa chaise.

-Je suis tellement énervée… je vais dire des choses…

Puis, à bout d’arguments et de souffle, elle finit par lâcher:

-Ma seule peur, c’est qu’il finisse comme son père ! Voilà !

Et tout à coup, nous voilà introduits dans l’intimité d’une famille, ses angoisses et le poids que chacun doit porter.

Finir et commencer

Je reviens ici un peu à tâtons après ces mois de silence…

Difficile de trouver une raison à cela. La reprise s’est bien passée et j’aurais pu la raconter. Les élèves sont toujours aussi prolixes en histoires a raconter. Et pourtant… rien.

C’est une année particulière qui n’a pas connu son début et qui n’aura pas de fin. En tous cas pas ceux du calendrier scolaire. C’est une année qui connaît une temporalité particulière et qui vient briser les routines habituelles.

Nous voilà dans l’espace-temps des promesses et des possibles. Alors je vous souhaite à tous des rires et de la joie, de parvenir à surmonter les entraves que la vie place parfois sur le chemin et de rester ouverts aux belles surprises de la vie.

À très vite

Rentrée des classes… en novembre

J’avoue ne pas trop savoir comment commencer ce texte.

Le blog est en jachère depuis 3 mois mais comme je n’ai pas tellement la main verte, je ne sais pas si la production en sera meilleure.

Bon… il se trouve qu’en septembre je n’ai pas fait ma rentrée.

En réalité, je l’avais faite fin août. Je devais d’ailleurs vous raconter cette semaine avec mes 3e (ceux qui sont en seconde maintenant) en train de déclamer du Cyrano au milieu de la cour du collège.

Et puis j’ai été arrêtée au milieu de la piste de décollage.

Un petit trésor caché au fond de mes entrailles nous a fait quelques frayeurs et après nos galères de l’année passée, le docteur a opté pour le principe de précaution.

Alors je me suis dit que j’allais mettre ce temps à partie pour bûcher l’agreg et trouver des innovations pédagogiques démentes.

Ça c’était le 1er septembre.

Puis à partir du 2, j’ai alterné entre envie de vomir tripes et boyaux et siestes du matin, de l’après-midi et parfois du soir. Je peux vous résumer chaque épisode de la star ac mais pas vous citer une ligne de Proust.

Cette année sera une année très spéciale… tellement spéciale que je ne fais ma rentrée que demain.

J’ai peur comme une néo-titulaire.

Et puis j’ai très envie de revoir les copains et de rencontrer mes élèves.

J’ai des papillons dans le ventre avec des gargouillis de trac.

Mais bientôt plein d’histoires à raconter.