Courrier des lecteurs

Hier, j’avais proposé une classe virtuelle facultative à mes élèves. Rien de très formel, une petite demi-heure pour voir comment ils vont, pour s’occuper ou s’ennuyer ensemble. Ils étaient une grosse douzaine en 4e, ce qui est pas mal (25 en classe entière); et puis au moment de nous dire au revoir, un des garçon me demande s’il peut me demander quelque chose en message privé.

Déjà, je ne savais même pas qu’il était possible d’envoyer des messages privés via la classe virtuelle. Mais bon, dès l’apparition des avatars de San Goku en face de leur nom j’avais compris qu’ils maîtrisaient l’engin mieux que moi.

Donc voilà le message reçu:

« Madame, ma copine m’écrit. Elle veut m’embrasser et je ne sais pas quoi faire. Qu’est-ce que je dois répondre? »

Alors celle-là je ne l’ai pas vu arriver.

-Attends je suis tombée de mon lit, je me relève et je te réponds (oui j’anime les CV sur mon lit, eux ils sont en pyjama c’est juste une question de raccord), aurais-je aimé lui répondre.

-Madame, vous avez reçu ? me demande-t-il en audio

-oui, oui.

Donc j’ai 3 sec pour décider de ce que je dis. J’ai un gamin issu d’un quartier sensible qui a 14 ans et qui est amoureux. Il vient d’une famille musulmane dont l’éducation amoureuse est plutôt taboue, même chez les garçons. Je pense que ces copains ont manqué de sensibilité et le pauvre en est réduit à poser la question à son prof principal via une classe virtuelle.

-Bon, je ne suis pas sûre d’être la mieux placée pour te répondre. Mais, toi, tu as envie de l’embrasser ?

-Ben ouais ! mais je comprends pas.

-Tu ne comprends pas quoi ?

-Ben c’est une fille. Pourquoi elle me demande ça ? C’est au garçon de le faire.

Ne perdons pas une occasion de glisser une petite leçon de féminisme.

-Parce que c’est une fille elle doit soit attendre toute sa vie qu’on l’embrasse soit se faire embrasser quand elle ne veut pas ?

-Ben non…

-Donc problème réglé ?

-Ouai super Madame ! Je vous raconterai ! Je déco !

Ne te sens pas obligé va !

 

 

Celle qui a fait sa première classe virtuelle

Moi (il y a deux semaines): il n’est pas encore né celui qui me fera me filmer devant les élèves.

Moi (hier): wahhhh c’est trop bien il y a Fiona et Rayan oh et Karim aussi !!!!

Quoi ?! Ça va ! Il y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

Il se trouve que j’ai ressenti comme un manque. Ca fait 12 jours que je n’ai crié sur personne, que je n’ai pas ramassé de carnet que je n’ai pas eu besoin de répéter 100 fois la même chose. J’ai rechuté.

On aurait dit un premier rendez vous. Je les ai bombardés de rappels toute la semaine « lundi on fait la classe virtuelle hein, hein, vous n’oubliez pas lundi c’est classe virtuelle. »

Je me suis connectée 15 min avant en stressant: »et s’ils ne viennent pas ? J’ai peut être pas assez prévenu. »

Puis ils étaient 20 sur 24. Ahhhh ! Mes 4e chéris ! Le manque je vous dis !

Alors ils avaient leur micro branché en même temps, on entendait les frères et soeurs crier, les mamans cuisiner, et c’était le bazar. Et ils ont dit des trucs comme « Madame c’est mieux les cours avec les profs! « 

Et c’était bon putain.

On recommence demain, je vous raconterai nos confidences.