les conseils de classe

ob_e92c3952cf80eb0db8b77bcbec807cbe_conseildeclasse-pngLa saison des premiers conseils de classe est ouverte depuis la semaine dernière et il y a des choses qui ne changent pas, de trimestres en trimestres :

-la salle est toujours mal chauffée. A croire qu’ils craignent pour l’ordinateur ou que la minuterie des chauffages est programmée pour s’arrêter à 17h.

-personne n’a envie d’être là. Soyons honnête, le vendredi soir à 18h:  ça fait faire la grimace à tout le monde. Ainsi que le lundi, le mardi…

-comme les profs ne sont jamais à un paradoxe près, on termine toujours en retard et ce, quelque soit le temps prévu (1h, 1h30, 15 minutes de battement entre deux conseils…)

-les parents d’élèves sont rarement des parents d’élèves de ta classe: incroyable mais vrai. Les parents délégués vont de conseils en conseils en tant que représentants d’association car il n’y a quasiment plus de parents d’élèves délégués. Ce qui est là encore un paradoxe, car les parents n’ont jamais été aussi intrusifs dans l’éducation de leurs enfants. Du coup, ils font des rapports mais ne peuvent pas vraiment soulever des problèmes.

-le principal (ou son adjoint) essaiera toujours de gratter des mentions : « Comment vous ne lui mettez pas les félicitations ? Mais il a 16 de moyenne ! – Oui, mais tous les enseignants s’accordent pour dire qu’il est insolent et bavard. -Oh, vraiment ? il faut l’intéresser cet enfant, voilà tout. » et parfois certains prennent des libertés en douce. A croire qu’ils sont commissionnés pour chaque mention. Les chefs d’établissement sont un mystère pour moi. A une exception près dans tous les collèges que j’ai fait, je n’ai rencontré que des spécimens très étranges.

-on fera toujours la même blague à l’élève délégué qui a 18 de moyenne : « Aloooors pour Lucie un avertissement de conduite et travail, hohoho » On est des gros lourds mais ça me fait rire à chaque fois.

-le mauvais élève délégué sera invité à sortir quand viendra son tour, délicatesse que l’on n’aura pas eu nécessairement pour le précédent. Bien sûr celui-ci pourra rester. ça me fait pensé que je vous parlerai de mon délégué de 4e.

-les mauvaises langues regarderont si les profs d’arts plastiques, musique ou technologie sont là et diront « et bien bravo, pas un conseil de l’année pour cette classe! » Et en général ça viendra d’un professeur de français ou de mathématiques… (pour info, on a autant de conseils que de classes soit pour des temps pleins sans heure supplémentaire: 18 en arts, 4 en français)

-Le prof principal est aussi anxieux que s’il s’agissait de ses propres enfants qui passaient au tribunal. « Alors, je propose les compliments mais bien sûr je vous laisse avoir le dernier mot. » « oui, il n’est pas très littéraire / matheux (barrez les mentions inutiles) mais c’est un bon gars. » « On l’encourage ? ça va la motiver la petite »

-les profs hyper organisés notent tout alors qu’il ne s’agit même pas de leur classe : mention, moyennes, mise en garde, remarques… Mais que font-ils de ces informations ensuite ? Mystère.

-Chaque président de séance a son petit truc perso: le diagramme araignée, les courbes des moyennes individuelle croisée avec celle de la classe, le camembert par discipline, la tête de l’élève en 10*20, … vous n’avez pas le choix mais comme dans le Kinder, il y a toujours une surprise à l’intérieur !

Demain c’est le conseil de mes 5e. Je perds 3 litres d’eau dans ce cas-là et je suis collée à ma chaise. Mes petits ne sont pas mauvais mais il y a du laisser aller en ce moment. Je vous raconterai, je croise les doigts.

Crédit :  Les profs, de Pica et Eroc

Des blazers en salle des profs #1

Comme le temps a manqué et que l’année est passée tellement vite, je vais revenir sur les mois précédents durant l’été, une rétrospective en quelques sortes.

17 heures mais la salle des profs est pleine. Les profs d’EPS sont en civils, il y a la queue devant les toilettes, enfin, devant le miroir, et certains ont même sorti le blazer de circonstance.

Ce soir c’est la rencontre parents-profs.

C’est un moment très particulier. C’est un temps d’échange entre les parents et le professeur où l’on s’entend en bonne intelligence dans l’unique but de faire progresser l’élève. Ça, c’est la théorie.

Dans la pratique, les choses sont beaucoup plus compliquées. Le problème de la théorie c’est qu’elle considère profs et parents comme deux entités qui seraient capables de ne se focaliser que sur le bien-être de l’adolescent. Or, depuis quelques années une défiance s’est installée. Des deux côtés du bureau et cela rend ces rencontres parfois périlleuses.

Alors à cinq minutes de quitter le sanctuaire de la salle des profs, on sent quelques tensions. On sait que l’on va rencontrer les parents de X. qu’ils ne sont pas faciles et pas très réceptifs, ou les parents de J. qui disent toujours oui mais dont on sait que derrière ils lui diront « bah ! c’est que des cons ces profs ». A quel moment l’idée s’est-elle répandue que l’on cassait de l’élève pour le goûter ?

Plusieurs paramètres rentrent en compte qui donnent lieu à toutes sortes de rendez-vous différents :

  • le parent est un ancien mauvais élève, il a souffert pendant des années et fait preuve d’une défiance majeure envers l’institution. Elle ne l’avait pas compris alors pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ? Il vient parce qu’il doit récupérer le bulletin et qu’on ne le taxera pas, en plus, de parent démissionnaire. Par contre, il ne vient pas pour rigoler et à la moindre parole qu’il jugera désobligeante, ça va saigner.
  • le parent dépassé par la situation. Il vient à l’échafaud, tout ce que l’on dira sur son enfant ne sera en fait qu’un prétexte pour faire son procès à lui, il plaide coupable d’ailleurs. Être parent ce n’est pas vraiment comme ça qu’il l’imaginait et ce genre de réunion en est un amer rappel.
  • le parent exigeant : celui qui veut hisser son fils très haut sur l’échelle de la réussite, ascenseur sociale en panne, pas de problème il prendra les escaliers;  son enfant peut faire mieux, doit faire mieux malgré les félicitations du conseil de classe. Il attend beaucoup de sa progéniture et également beaucoup de ses professeurs. Il ne veut pas être déçu.

Bien sûr au milieu de tout cela, il y a des parents tout à fait charmants qui n’ont pas de vieux contentieux à régler, en général leurs enfants sont bien intégrés, ne sont pas nécessairement des têtes de classe mais répondent positivement à tout ce qu’on leur demande. Et heureusement !

Il faut être juste, essayer de ne pas juger les parents trop sévèrement. C’est délicat comme situation. Au fond, ils pensent bien faire que ce soit en les couvant ou en leur collant une pression de dingue. Et, ils ont simplement des réactions épidermiques. Qu’on leur annonce que leur enfant est solitaire, mal intégré et que l’on s’inquiète pour lui doit provoquer le même genre de réaction que quand on leur avait annoncé qu’un vilain garçon avait mordu la joue de leur bébé un jour à la crèche. Nous ne sommes pas tous égaux face à nos tripes.

Par ailleurs, est-ce que nous, profs, nous n’avons pas une part de responsabilité dans la défiance que certains parents nous portent ? Est-ce que nous ne manquons pas parfois de pédagogie en dehors de la salle de classe ?

En me relisant j’ai l’impression de décrire un véritable pugilat, évidemment que non. Mais on ne peut pas parler d’une partie de plaisir non plus. D’abord parce que les rdv sont chronométrés, cinq minutes, c’est peu. Ensuite c’est tard le soir après une journée de cours fatigante, et que c’est rdv sur rdv pendant 3 heures sans pause pour aller faire pipi. Et ce ne sont là que les contraintes techniques.

Attendez d’attaquer le premier rdv en tant que professeur principal et de recevoir en guise de bonjour le relevé des absences de chaque professeur matière par matière tout au long du trimestre. Ambiance.

Les torts sont partagés. Les profs sont persuadés que les parents ne les aiment pas, pire qu’ils n’ont plus confiance en eux. Et les parents ont oublié qu’ils formaient une équipe avec les profs ou du moins la notion d’équipe a dévié. Il ne s’agit pas de considérer le prof comme son égal ou son subordonnée « parce que ce sont mes impôts qui le paient gnagnagna » mais de considérer sa voix, tout simplement. Pas la peine d’apprendre son métier au prof parce que Théo ne fonctionne pas comme ça ou que Lalie a du mal parce qu’il y a trop de choses écrites au tableau. Le prof ne sait pas tout mais il sait faire son métier et il ne vous apprend pas le vôtre.

Alors on respire, ça va bien se passer. On se fait un sourire ça ne mange pas de pain et ça détend tout le monde.

Cette année j’ai beaucoup de rendez-vous. Les parents sont venus voir la tête de la remplaçante.  Et, moi aussi j’ai sorti la blouse en mousseline pour me donner du courage.

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Crédit photo : Robert Doisneau

(la suite au prochain épisode)