où on a écouté de la musique

Deux de mes classes de 5e ont commencé à travailler sur le voyage en littérature, et la première séance consiste à étudier le poème de Du Bellay « Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage ». Du Bellay compte parmi mes auteurs préférés, je le leur dis, donc ils le traitent avec le respect qui lui est dû.

Comme toute bonne séance, il faut penser un objectif vers lequel on souhaite amener les élèves. Le mien était sobrement intitulé « redécouvrir le lien entre poésie et musique au travers d’un poème du XVIe s. »

Pour ce faire, je leur passe la reprise du poème faite par Ridan en 2009 sans leur distribuer le texte.

L’exercice est simple: tout le monde se tait, ferme les yeux, écoute la musique et se laisse transporter. Ils doivent ensuite raconter où la chanson les a emmené.

Ils se prêtent volontiers à l’exercice et les observer à ce moment-là c’est un peu comme les regarder dormir, terriblement impudique donc fascinant.

Certains ferment les yeux et arborent un petit sourire, d’autres les plissent très fort comme pour ne pas laisser s’échapper l’image qu’ils ont fabriqué, les plus pudiques cachent leur tête entre leur bras. Voilà mes 5e en train de méditer sans s’en rendre compte.

J’ai un pincement au cœur quand je vois A., les yeux grand ouverts, qui me dit qu’elle ne voit rien, que du noir. Qui a bien pu tuer son imagination à seulement 12 ans ?

La chanson se termine et c’est le moment de la restitution. Ils ont voyagé en bateau, se sont promenés dans une forêt, mangé des chamallows grillés un soir d’hiver au coin du feu, ont senti les embruns et entendu les vagues.

Et puis E lève la main.

E. est un garçon gaillard, plutôt du genre ours mal léché à qui les autres élèves ne cherchent pas des noises et qui après chaque séance me gratifie d’un animal en origami. Du velours dans une armure celui-là:

« Ben moi Madame, je suis parti un peu loin…

– Tu veux bien nous raconter ?

-ouai… alors moi j’étais sur un port, un bateau est venu me chercher, je suis monté dedans mais en fait c’était des pirates. Alors je me suis battu contre eux, je les ai tous tué. Le bateau a vogué un moment et puis il y a eu une tempête c’était la nuit. Heureusement on a échoué sur une île, un monstre terrible est sorti de nulle-part je l’ai transpercé d’un coup d’épée et là…

– oui ?

-il s’est transformé en un nuage de papillons violets. »

Le poème date de 1558 et il les a fait voyager en 3 minutes. Joachim mieux que Jul.

N.B je vous la mets en lien pour que vous l’ayez en tête un moment.

Ridan – Ulysse

 

Sortir de la cité – jamais sans jamel 

Lundi sur France Inter, le délicieux Augustin Trappenard recevait Jamel Debbouze.

J’ai une tendresse toute particulière pour lui: son parcours, son humour, sa personne, sa femme… tout chez lui me parle ! Même nos fils ont le même prénom. 

Et l’entretien qu’il a eu avec Augustin ne m’a pas déçue. 

Extrait 

« Vous faites des fautes de français exprès, c’est un peu votre signature. Mais pourquoi ?

– déjà parce que pendant longtemps, elles n’étaient pas faites exprès. La langue française on la parlait mal, elle nous semblait sacrée, inaccessible. On rêvait de la maîtriser… »

Boomerang Jamel Debbouze