« Oui, bonjour Madame C., c’est le professeur principal d’Anil,
-Oui… ?»
On le reconnaît ce petit « oui » inquiet qui dit « allez qu’est ce qu’il a fait encore ? Achevez-moi ça ira plus vite. »
« Je voulais vous parler de son stage…
– ça s’est mal passé? Vous avez eu un retour de son patron ? »
Maman c’est un job à plein temps, je le sais, vous le savez, tout le monde le sait. C’est balancer entre l’inquiétude perpétuelle de mal faire, qu’il arrive quelque chose de mal ou que des instances jugent que vous faites mal.
La maman d’Anil, je l’aime bien. C’est la première fois que j’ai son fils en classe mais je la connais depuis quelques années. Elle est une des mamans du Conseil d’Administration. Les mamans du CA c’est quelque chose, il faudra que j’en parle à l’occasion.
Avec son voile et son franc parler, elle ne passe pas inaperçue. Elle était aussi au conseil de classe et elle applique très scrupuleusement la règle « c’est pas pour ton enfant que tu t’es engagée mais pour tous . »
Alors quand j’ai demandé après mon petit laïus sur l’attitude certes sympathique d’Anil mais complètement je m’en foutiste quant à sa scolarité, qu’on lui mette une mise en garde travail, elle a poliment dit que « c’était mérité. »
Lorsque je l’ai rencontré et qu’on a commencé à parler d’orientation, je lui ai dit:
« Vous savez l’école est faite pour un type d’élève. Et il y a plein d’enfants différents. C’est pas parce qu’il n’aime pas l’école maintenant qu’il ne l’aimera jamais. Ce n’est pas parce qu’il n’est pas bon scolairement qu’il est bon à rien. Loin de là ! Quand il aura trouvé sa voie, tout va changer. Ce n’est pas votre faute, je sais que vous faites tout ce que vous pouvez.
-Vous avez raison, ça fait du bien de l’entendre. »
Alors cet après-midi avant d’aller nous promener, je l’ai appelée:
« …non au contraire. Ce stage en carrosserie a été une révélation pour lui. Il en parle à tous les cours de français ! Il m’a demandé s’il aurait le droit d’aller faire une semaine supplémentaire parce que son patron l’a beaucoup apprécié et qu’il lui propose un apprentissage.
-Oui, il était vraiment content de se lever tous les matins pour travailler.
-il a grandi en 15 jours, c’est fou ! Le voilà qui donne des conseils d’orientation à tout le monde. En plaisantant je lui ai demandé s’il en rêvait la nuit de son garage et il m’a répondu que oui. Je suis très heureuse pour lui. Il n’a plus qu’à faire en sorte que son dossier tienne la route mais je suis confiante.
-ça fait plaisir à entendre. Merci à vous. »
Le plus beau c’était de l’entendre expliquer aux autres qu’en apprentissage il aurait moins de vacances et que la vraie vie allait commencer.
Avec son mètre 90 déjà bien tassé, ce gaillard de 14 ans et demi, a déjà des airs de grand homme.