Rentrée des classes… en novembre

J’avoue ne pas trop savoir comment commencer ce texte.

Le blog est en jachère depuis 3 mois mais comme je n’ai pas tellement la main verte, je ne sais pas si la production en sera meilleure.

Bon… il se trouve qu’en septembre je n’ai pas fait ma rentrée.

En réalité, je l’avais faite fin août. Je devais d’ailleurs vous raconter cette semaine avec mes 3e (ceux qui sont en seconde maintenant) en train de déclamer du Cyrano au milieu de la cour du collège.

Et puis j’ai été arrêtée au milieu de la piste de décollage.

Un petit trésor caché au fond de mes entrailles nous a fait quelques frayeurs et après nos galères de l’année passée, le docteur a opté pour le principe de précaution.

Alors je me suis dit que j’allais mettre ce temps à partie pour bûcher l’agreg et trouver des innovations pédagogiques démentes.

Ça c’était le 1er septembre.

Puis à partir du 2, j’ai alterné entre envie de vomir tripes et boyaux et siestes du matin, de l’après-midi et parfois du soir. Je peux vous résumer chaque épisode de la star ac mais pas vous citer une ligne de Proust.

Cette année sera une année très spéciale… tellement spéciale que je ne fais ma rentrée que demain.

J’ai peur comme une néo-titulaire.

Et puis j’ai très envie de revoir les copains et de rencontrer mes élèves.

J’ai des papillons dans le ventre avec des gargouillis de trac.

Mais bientôt plein d’histoires à raconter.

Just kids

La semaine dernière, j’ai découvert que le finaliste pour la meilleure baguette de France était à 3 kms de chez moi. Et c’est en arrivant que je me suis aperçue que c’était en face du collège où j’ai fait mon année de stage.

Pour les non initiés, quand vous obtenez votre concours dans la fonction publique, vous êtes « fonctionnaire stagiaire ». En tant que prof, ça veut dire que vous passez une année en formation et en service à l’issue de laquelle l’inspecteur.ice (oui, je tente l’écriture inclusive, c’est pas que j’aime ça mais on en parlera à un autre moment) ou assimilé vient vous titulariser.

Je ne vais pas parler du concours, encore qu’il y aurait des choses à dire en ce moment.

J’ai plutôt envie de parler de mon premier jour. Mon tout premier jour de prof certifiée.

Sur le chemin de la boulangerie, en reconnaissant le cimetière à droite du chemin puis la halle des sports, j’ai été traversée par des visions et des sensations.

C’est fascinant la mémoire, c’est présent dans tout le corps.

Je revois ma main ouvrir la serrure de la classe. Les élèves étaient rangés. Ils étaient calmes et moi, terrifiée. Je me rappelle m’être dit « ne montre pas que ta main tremble ».

Quand ils sont rentrés, ils sont restés debout à attendre que je les autorise à s’asseoir.

Et je me suis dit: «c’est fou ! il suffit que je parle pour qu’ils s’exécutent. » et j’ai dû sourire en pensant aux possibilités qu’un tel pouvoir offrait.

Au volant, je sens à nouveau mon cœur qui bat.

Il fallait alors monter sur scène et dire son texte. Ils ne le savaient pas, eux, que je ne savais pas quoi faire. Parler, ne pas bafouiller et avoir l’air sûre de soi.

Ça, ça n’a pas changé. J’ai toujours l’impression d’être en représentation. C’est un public d’autant plus difficile qu’ils n’a pas acheté ses places.

-Bonjour, je suis Mme T. Et je serai votre professeure de français.

C’est un des moments de l’existence où je me suis sentie absolument dans l’instant présent. J’étais où j’avais toujours rêvé d’être, malgré les virages et les ressacs de l’existence. Et j’y étais bien.

J’avais un autre nom alors et avant eux, je n’y prêtais aucune importance. Mme T c’était ma mère, pas moi. C’est un peu comme si c’était eux qui m’avaient baptisée. Avec leur « Madaaaammmeee T. » qui traîne et qui trahit l’appel à l’aide.

Et quand plus tard, j’ai changé de nom, ça a été dur de l’abandonner jusqu’à ce que dans leur bouche, de nouveau, je me retrouve.

Je n’ai plus jamais enseigné dans ce collège et je n’y retournerai sans doute jamais. J’ai pleuré en partant et j’ai pesté dur contre le système des mutations.

J’ai pourtant toujours eu de belles surprises.

J’ai pleuré en quittant chaque bahut et j’ai pesté toujours plus dur ces longues années de TZR.

Et puis, c’est devenu trop difficile de devoir partir alors, là encore, la vie a fait en sorte de me poser.

Et j’ai enfin pu rester.

Rentrée

Depuis hier, plus rien ne se passe dans le monde, ni guerre, ni famine, ni catastrophe écologique. Les chaînes d’infos et les JT sont présents pour célébrer la grand-messe annuelle: c’est la rentrée.

C’est un moment clé de l’année pour les enfants, pour les parents et aussi pour les profs. Si on y réfléchit, en tant que prof, mais aussi en tant qu’élèves, chaque année, on fête deux fois le premier de l’an: la fête (les vacances), la gueule de bois (le réveil qui sonne), les résolutions, la belle tenue de lumière…

Il y a quelques semaines, j’étais chez ma dermato pour qu’elle me rende figure humaine car mon visage se trouve dévoré par une poussée monstrueuse d’acné.

« Vous êtes stressée ? me demande-t-elle. Vous êtes prof, non ? C’est vrai que tous les profs que je reçois sont stressés au mois d’août par la rentrée. c’est curieux, non ? Nous, les gens normaux, on prend 3 semaines de vacances et puis après on reprend le travail, comme si de rien n’était. Je veux dire, ça va, faut s’en remettre, les vacances finissent. »

Mon Dieu, Maman pourquoi m’as-tu si bien élevée ?

Je ne réponds rien, donc, et repars avec mes boutons et matière à réflexion.

C’est vrai, la rentrée est une source de stress pour moi.

Pas que pour moi, pour tous les profs je crois. Deux semaines avant, je perds le sommeil, je fais des cauchemars terribles avec des élèves qui font des messes sataniques et ma tête posée sur une pique au milieu d’un feu de camp.

Mais pourquoi ? C’est vrai quoi… C’est ma 6e rentrée et il n’y a rien à faire, j’ai un trac monstre.

C’est vraiment le mot: j’ai le trac.

Parce que nous avons certes 2 mois d’été pour couper avec le travail (qui y arrive d’ailleurs pendant deux mois, chers collègues, manifestez vous !) mais surtout chaque année, il faut TOUT recommencer.

Quand un maçon prend 2 semaines de vacances et qu’il reprend son chantier, ça l’embête mais ça n’a pas bougé.

Quand ma sœur laisse ses plans d’urbanisme et qu’elle rouvre son ordi au bout de trois semaines, elle fait la tête une heure mais elle retrouve son plan là où elle l’a laissé.

Or les classes que nous avons laissées ne sont plus là quand on revient. Et même si l’on est implanté dans son bahut depuis des décades et que l’on a suivi certains élèves 2, 3, 4 années de suite, c’est le groupe qui fait le cours et ce groupe change. Une classe c’est 30 individualités qui doivent fonctionner en harmonie. Et c’est vous le chef d’orchestre.

Il faut retrouver sa légitimité, sa crédibilité, remettre en place les rituels, apprendre à connaître chacune de ses têtes pour comprendre ensuite à leur « bonjour » comment va se dérouler la séance. C’est long, c’est difficile et surtout ce n’est pas une science exacte.

Alors à partir du 15 août, quand on constate que les jours raccourcissent considérablement, que surviennent les premiers orages, on sort et on se dit « tiens c’est drôle cette odeur de pluie, ça sent la rentrée. »

Et oui ça fait peur.

La veille de rencontrer ses élèves, on prépare sa tenue, celle qui nous rend beau, qui cachera les auréoles sous les bras, dans laquelle on est à l’aise. On prépare son cartable, on règle son réveil. Le matin, on avale un petit déjeuner doudou, des tartines de beurre avec de la confiture. Et arrivés sur place, on repère sa classe, les jambes qui tremblent un peu, la voix pas encore assurée.

L’acteur est prêt, lever de rideau.

Chaque année, je me répète la même chose pour me rassurer « je serre la vis au début. je lâcherai plus tard. »

et chaque année, il n’y a rien à faire, je souris de toutes mes dents. « Bonjouuuuuurrrrr, je suis très heureuse vous rencontrer. »

La grand messe a commencé, c’est reparti pour une année.

la petite fiche de rentrée

Cela fait quelques temps que je rumine régulièrement à mon cher et tendre la même chanson « j’ai envie de revoir toutes ma pratique pédagogique, il faut que je m’adapte davantage à eux, que je prenne en compte leur développement cognitif, blabla… » #stanislasdeheane

Vaste chantier vous le conviendrez.

Quelques interrogations et prises de recul s’imposent dans ma pratique de la lecture, de l’écriture et dans tous les domaines possibles. J’y réfléchis de façon récurrente.

Mais il y a une heure de cours que je n’ai jamais modifiée depuis ma première rentrée c’est la toute première heure de l’année. Vous savez cette heure un tantinet inutile où on ne fait pas grand chose si ce n’est remplir la page de garde du cahier / classeur et feuilleter le manuel…

Depuis 5 ans,  je distribue les mêmes documents. C’est ma tutrice de stage qui me les avaient donnés et je ne les avais jamais modifiés. Ma tutrice a été d’une telle richesse et d’une telle bienveillance qu’il ne m’est jamais venu à l’esprit de commencer l’année autrement. Et depuis, comme pour me porter bonheur, je distribue à chaque rentrée les mêmes règles de classe à respecter, le tableau d’évaluation du classeur, etc.

Cette année, Stanislas Dehaene et Catherine Guéguen m’habitant, j’ai décidé de m’émanciper de mes fétiches et de repenser ma toute première heure de cours.

Je n’ai pas réinventé l’eau chaude ni la poudre (les collègues font sûrement cela depuis belle lurette) mais j’ai essayé de modifier mon angle d’attaque.

Plus inexpérimentée, j’avais besoin de débuter l’année par des règles pour bien fixer les choses au cas où les élèves se mettraient à daber debout sur les tables en chantant du Maître Gims. Et ça marchait puisque mes élèves n’ont jamais eu ce comportement.

Cette année, j’ai axé ma première heure sur le plaisir d’apprendre, les livres que l’on allait découvrir ensemble, je leur ai présenté deux séquences différentes et je leur ai fait choisir celle qui leur faisait envie en les prévenant que toutes les séquences finiraient par être traitées dans l’année.

J’ai eu des sourires, des « oh ouai », des rires (ils sont gentils ils rient à mes blagues nulles)

Il me restait à régler le problème de « la fiche de présentation ». Je trouvais compliqué de débuter sans que l’on se présente. En même temps, telles que je les faisais avant je ne les lisais pas, elles restaient des mois dans mon sac jusqu’à finir à la poubelle. Véridique.

Et puis, avec Pronote les informations pratiques on les retrouve en un clic pas la peine d’avoir des archives. Et c’est très intrusif finalement de demander quelle est la profession des parents, s’ils ont des frères et sœurs, etc.
Alors quitte à être indiscrète, j’ai posé des questions encore plus personnelles: s’ils aiment lire, ce qu’ils lisent, s’ils ont des difficultés, ce qu’ils rêvent de devenir et s’ils ont une idée de comment s’y prendre pour réaliser ce rêve.

J’ai également créé une fiche d’objectifs à remplir trimestre par trimestre dans laquelle je leur ai demandé de définir 3 objectifs à atteindre: des objectifs simples et réalisables (écouter les cours, participer, relire son texte…) dont l’ampleur et les difficultés pourront s’accroître au cours des trimestres suivants. L’idée était de leur faire comprendre que toutes les bonnes résolutions ne peuvent tenir si les objectifs visés sont inatteignables.

Et seulement à la fin de l’heure je les ai avertis de ce qui se passerait en cas de travail non faits mais j’ai pris le risque de ne pas en faire une trace écrite, c’est un contrat verbal entre eux et moi. Pour les encourager, à la sanction négative s’oppose une sanction positive: si les règles sont respectées alors ce sera valorisé dans la moyenne. Ils auront ainsi un intérêt à bien se comporter. Encore une fois, mon idée est de quitter un peu le côté discipline pour instaurer une relation de confiance. S’ils font ce que j’ai prévu pour eux, ils vont progresser c’est garanti mais il faut que je gagne leur confiance pour qu’ils me suivent et de fait je leur

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balise le terrain.

Nous verrons si j’ai été trop souple ou si ce nouveau parti-pris va porter ses fruits.

Je vous tiens au courant !

 

La rentrée

Nous arrivons aux vacances de la Toussaint et j’en suis encore à vous raconter la rentrée. Il va falloir que j’accepte l’idée que je n’arriverai jamais à suivre le calendrier scolaire ni à être régulière ici…

J – 5 : il fait chaud et cela fait déjà depuis début août que j’ai le cerveau qui mouline sur la reprise. Auto-torture quand tu nous tiens. Par dessus le marché me voilà avec la gastro du siècle, oui, par 30°. Je suis enchantée: le stress de la rentrée combiné au stress de ne pas être en état de la faire.

J- 3: je me décide à aller voir un médecin pour qu’il me donne un traitement de choc. j’aurais pu y aller plus tôt, j’en conviens. Il paraît qu’on est nombreux à être dans cet état.

Je veux pas y aller.

J-1: ça commence à aller mieux je tiens debout. La pré-rentrée des profs c’est demain et je dois être dans deux collèges, je décide d’aller faire un tour dans le plus éloigné (50km de la maison) pour m’éviter deux voyages demain. Mon super mari m’accompagne. « On ira se promener avec le bébé en t’attendant ». #coeuraveclesdoigts

« Alooooors Madaaaame Selroux, vous avez… Ah ? Je ne vous trouve plus. Tiens c’est curieux.  »

Pendant quelques secondes, j’ai rêvé que mes heures avaient été transférées dans l’autre établissement, envolées la REP + et la ZUP, terminé le quartier difficile, le…

-ça y est ! Je vous ai. Je ne vous trouvais pas parce que vous avez deux classes partagées.

-Pardon ?

-Oui. Vous avez 4h30 avec nous (soit le nombre d’heures de français d’une 6e complète), 2h avec la 6eDifficile et 2h30 avec la 6eExplosive. (j’apprendrai plus tard que c’est l’inverse en fait)

-Vous les partagez avec M. F. Vous le reconnaîtrez facilement c’est un grand africain.  »

Alors commence la tournée des mails pour contacter M. F, Jojo de son petit nom, très sympa, mais qui m’apprend que je ne partage qu’une classe avec lui. Mais alors, avec qui je partage l’autre ? Mails à toute l’équipe de français que j’ai retrouvée en faisant les emploi du temps de toutes les classes sur Pronote afin de savoir qui était mon 2e binôme. Pas de réponse. ça va être simple cette histoire. Improviser en REP +, c’est hyper recommandé. Bon, advienne que pourra, de toutes façons tout le monde a l’air de naviguer à vue.

Demain je pars au pays de l’eau en bouteille pour la prérentrée.

Si vous croyez que les élèves ont le trac de la rentrée, vous n’avez pas vu un prof avant la reprise. Personnellement, je suis aussi stressée qu’à ma première rentrée. Être le complément de service-de service, ce n’est pas très confortable.

Je veux pas y aller !

J’ai envie de me rouler par terre et taper du poing.

D’abord, je suis sûre qu’ils sont pas beaux et pas sympas ces élèves. En plus, avec ceux de l’année dernière on avait des liens très forts, ça sera jamais pareil.

Je veux pas y aller.

Je veux retourner dans mon collège au bord de l’eau, reprendre la route aux flamands roses, retrouver les collègues trop sympas.

Aller c’est reparti, on reprend l’autoroute. J’ai déjà fait ce collège et j’y étais bien. L’A9 a changé mais la voiture n’a pas oublié la route. Première sortie, deuxième, troisième… nationale, feu rouge, ah oui radar au feu, même parking.

Bon, il faut y aller là.

J’avance lentement, les mêmes graviers, la même entrée par la salle des profs et là j’entends

« Eh mais c’est Juliette ! »

Quoi ? Ils ne m’ont pas oublié ? Mais c’était il y a deux ans !

La bise à tout lob_4840c9_38e monde, on prend des nouvelles, on exhibe sa progéniture.

C’est reparti pour une nouvelle année.