Rendez l’argent aux contribuables

Depuis trois semaines, je suis arrêtée. Trop de trajets ont eu raison de moi (et de mon col) et mon année s’est arrêtée un peu brusquement.

C’est nul de partir le vendredi et de se rendre compte dimanche qu’on ne va pas retrouver ses élèves. Et c’est encore plus nul d’entendre le médecin 2 semaines après dire « Bon, et bien vous ne reprendrez pas le travail. » Je n’ai pas dit au revoir à mes élèves, je ne sais même pas si je serais dans le même collège l’année prochaine. C’est tout de même un sentiment étrange. Comme si quelque chose ne s’était pas fini correctement.

Et comme le rectorat a ses raisons que le commun des mortels ignore, je ne suis pas encore remplacée.

Pour ne pas laisser mes élèves sans travailler le français, j’ai fourni à chacun de mes niveaux du travail à faire pour chaque semaine, travail qu’ils me renverraient par mail afin que je le corrige. J’ai trois niveaux : 6e, 5e, 4e. Les 4e devaient plancher sur un devoir type brevet dans les semaines à venir, du coup je leur ai donné à faire sous forme de DM.

J’ai reçu, au bout de deux semaines et quelques rappels via leur prof principaux, la moitié des devoirs. Certains ne se sont pas foulés : clairement j’ai retrouvé des paragraphes entiers copiés sur internet, des notions de versification floues alors que le classeur était autorisés, … donc les notes ont pu descendre en dessous de la moyenne. Je me suis quand même sentie gênée de mettre 8 à une copie moyenne et un Non Noté à l’absence de copie. Pouvais-je mettre des 0 alors que je n’étais pas présente ? Dans quelle mesure revaloriser les notes des copies en dessous de la moyenne ? ces questions je les ai toutes posées.

Et avant même de réussir à trancher, je reçois le mail d’une maman fort remontée contre moi. Je vous laisse lire la capture.

Après lecture, nous étions deux femmes très en colère.

Je passe sur le ton du message passablement agressif et déplacé qui avait déjà suffit  à faire grimper mon taux d’hormones dans le rouge.

Mais le contenu :

Madame G. ne pose pas de question, elle me donne son avis et ce qu’elle juge être la meilleure des choses de façon tout ce qu’il y a de plus catégorique. Pas de question, pas de formule de politesse mais le constat d’un dysfonctionnement dans le système. Elle m’écrit comme elle écrirait à Darty : « Madame, il est regrettable que vous ne sachiez pas faire votre métier, je vais vous expliquer ça en deux lignes, ne me remerciez pas. »

Non contente de remettre en cause mon système d’évaluation, la voilà qui en plus remet en cause le contenu de mon devoir « ardu ».

Je ne m’occupe pas des parents d’élève, je n’ai que très peu de contact avec eux si ce n’est imposés par les réunions ou les incidents graves. Tous mes élèves à problèmes ont un problème de parent ou presque, alors partant de là… « Vous savez, je ne le force à rien », « Il est pas facile… », « son frère était pareil »… Dans ce cas de figure, il n’y a rien à tirer d’une rencontre avec un parent.

Mon unique souci, toute mon éthique est tournée vers mes élèves. C’est pour ça que je me colle du travail alors que je suis en arrêt maladie, que je prends le temps de ranger lentement mes affaires à la fin du cours pour être présente au cas où ils auraient besoin de parler, que je culpabilise de ne pas être au travail… J’aime mes élèves et ils font, entre autres choses bien sûr, mon bonheur.

Tous les profs aiment leurs élèves. A part quelques pervers égarés, quel prof fait ce métier pour « casser de l’élève » ? Comment s’imaginer que si je mets 8 à son fils c’est parce que je le déteste et non parce que c’est ce que vaut sa copie ?

Le métier d’enseignant manque cruellement de reconnaissance. Il y a des jours où je me dis que les gens nous détestent vraiment. Pourquoi ? « Parce que vous êtes toujours en vacances ! » Ahhhh les fameuses vacances ! Elles ne passent décidément pas. Je vous parlerai du quotidien d’un prof dans un autre billet et peut-être que quelques une comprendront pourquoi on a besoin de vacances.

Mais pensons tout de même à deux choses avant d’écrire des messages comme celui-là :

  • si les vacances sont un bénéfice si merveilleux pourquoi l’Etat est obligé de dépenser des millions dans des campagnes de pub pour trouver des candidats aux concours ? Au cas où vous ne le sauriez pas, l’Education Nationale recrute.
  • Enfin, quand je me permets de dire à un prof qu’il fait mal son travail, pensez que lui n’a pas de droit de regard sur le vôtre, et que c’est bien commode tout de même.mail parent 2

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