« Je suis une licorne avec des pouvoirs magiques, mon style est épileptique »

Il faut que je vous parle de R. et de son évolution et de ses nombreux problèmes, parce qu’il y a des choses à raconter.

Mais aujourd’hui je vais vous parler d’A. Je me suis rendue compte ce matin que je pensais à elle sur mon trajet. Oui, les trajets sont longs et comme je n’ai pas assez de mes nuits pour rêver de mes élèves, je le fais aussi éveillée.

Donc, je repensais à l’appréciation que je lui avais mise ce matin et à la 2e réunion parents-profs qui va suivre bientôt. A. est une petite rouquine, avec des taches de rousseur sur les joues, des doudounes multicolores et des chaussures qui s’allument. Elle est très mignonne et… très bébé.

Au début de l’année elle avait toujours un train de retard sur les autres parce qu’elle répondait à la question d’avant, si bien que j’avais mal au cœur de l’interroger sachant qu’elle était toujours à côté… Sur ce point elle a beaucoup progressé.

En revanche, à l’écrit c’est une autre paire de manche. Toutes ses compositions doivent prendre forme dans un univers où les nuages sont de la guimauve, où des anges viennent habiller les princesses, où les fleuves sont en chocolat…

Pourquoi pas, me direz-vous ?

Elle est tout de même en cinquième et lorsque je lui ai demandé de me décrire une scène de combat entre l’un des mousquetaires et un garde du cardinal, elle a  transformé l’épée de D’Artagnan en bâton de réglisse et la barbe du cardinal en barbe à papa… Je n’ai pas pu m’empêcher d’écrire sur sa copie que Dumas ne connaissait pas l’usine de Willy Wonka lorsqu’il a écrit les Trois Mousquetaires.

Ce matin, on travaille sur « Heureux qui comme Ulysse » de Du Bellay et lorsque je demande à la classe ce que peut bien vouloir dire « la douceur angevine » A. lève le doigt pour me dire que ça voulait dire « porté par les anges ». C’est mignon. Mais j’avais précisé que c’était un nom de ville que je cherchais.

Activité écrite : « rédiger quatre vers où comme Du Bellay vous raconterez un voyage pendant lequel vous avez ressenti le mal du pays. » Je passe dans les rangs, vois de tout « j’étais en Italie / j’ai mangé des spaghettis / mais je préfère les raviolis /… » je vous en passe et des meilleurs. Et quand je passe devant la copie d’A, je vois que là encore son poème tourne autour d’un monde en sucre d’orge. Après ma remarque elle l’a corrigé et très bien en plus.

Pourquoi est-ce que cela m’exaspère autant ? Clairement, elle ne veut pas grandir et préfère se réfugier dans un monde beaucoup plus ressemblant aux manèges des poupées de Disneyland qu’à la réalité. Pourquoi la blâmer, notre monde est vraiment moche quand on s’y penche ! On ne cesse de trouver que les enfants grandissent trop vite et de l’autre on voudrait les voir mûrir…

Paradoxal peut-être, mais je ne peux m’empêcher de penser que le monde de licornes et de paillettes dans lequel elle vit n’est pas si beau et qu’il doit cacher quelque chose. Il va falloir grandir ma petite, et ça risque de faire mal.

 

 

 

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