Rentrée

Depuis hier, plus rien ne se passe dans le monde, ni guerre, ni famine, ni catastrophe écologique. Les chaînes d’infos et les JT sont présents pour célébrer la grand-messe annuelle: c’est la rentrée.

C’est un moment clé de l’année pour les enfants, pour les parents et aussi pour les profs. Si on y réfléchit, en tant que prof, mais aussi en tant qu’élèves, chaque année, on fête deux fois le premier de l’an: la fête (les vacances), la gueule de bois (le réveil qui sonne), les résolutions, la belle tenue de lumière…

Il y a quelques semaines, j’étais chez ma dermato pour qu’elle me rende figure humaine car mon visage se trouve dévoré par une poussée monstrueuse d’acné.

« Vous êtes stressée ? me demande-t-elle. Vous êtes prof, non ? C’est vrai que tous les profs que je reçois sont stressés au mois d’août par la rentrée. c’est curieux, non ? Nous, les gens normaux, on prend 3 semaines de vacances et puis après on reprend le travail, comme si de rien n’était. Je veux dire, ça va, faut s’en remettre, les vacances finissent. »

Mon Dieu, Maman pourquoi m’as-tu si bien élevée ?

Je ne réponds rien, donc, et repars avec mes boutons et matière à réflexion.

C’est vrai, la rentrée est une source de stress pour moi.

Pas que pour moi, pour tous les profs je crois. Deux semaines avant, je perds le sommeil, je fais des cauchemars terribles avec des élèves qui font des messes sataniques et ma tête posée sur une pique au milieu d’un feu de camp.

Mais pourquoi ? C’est vrai quoi… C’est ma 6e rentrée et il n’y a rien à faire, j’ai un trac monstre.

C’est vraiment le mot: j’ai le trac.

Parce que nous avons certes 2 mois d’été pour couper avec le travail (qui y arrive d’ailleurs pendant deux mois, chers collègues, manifestez vous !) mais surtout chaque année, il faut TOUT recommencer.

Quand un maçon prend 2 semaines de vacances et qu’il reprend son chantier, ça l’embête mais ça n’a pas bougé.

Quand ma sœur laisse ses plans d’urbanisme et qu’elle rouvre son ordi au bout de trois semaines, elle fait la tête une heure mais elle retrouve son plan là où elle l’a laissé.

Or les classes que nous avons laissées ne sont plus là quand on revient. Et même si l’on est implanté dans son bahut depuis des décades et que l’on a suivi certains élèves 2, 3, 4 années de suite, c’est le groupe qui fait le cours et ce groupe change. Une classe c’est 30 individualités qui doivent fonctionner en harmonie. Et c’est vous le chef d’orchestre.

Il faut retrouver sa légitimité, sa crédibilité, remettre en place les rituels, apprendre à connaître chacune de ses têtes pour comprendre ensuite à leur « bonjour » comment va se dérouler la séance. C’est long, c’est difficile et surtout ce n’est pas une science exacte.

Alors à partir du 15 août, quand on constate que les jours raccourcissent considérablement, que surviennent les premiers orages, on sort et on se dit « tiens c’est drôle cette odeur de pluie, ça sent la rentrée. »

Et oui ça fait peur.

La veille de rencontrer ses élèves, on prépare sa tenue, celle qui nous rend beau, qui cachera les auréoles sous les bras, dans laquelle on est à l’aise. On prépare son cartable, on règle son réveil. Le matin, on avale un petit déjeuner doudou, des tartines de beurre avec de la confiture. Et arrivés sur place, on repère sa classe, les jambes qui tremblent un peu, la voix pas encore assurée.

L’acteur est prêt, lever de rideau.

Chaque année, je me répète la même chose pour me rassurer « je serre la vis au début. je lâcherai plus tard. »

et chaque année, il n’y a rien à faire, je souris de toutes mes dents. « Bonjouuuuuurrrrr, je suis très heureuse vous rencontrer. »

La grand messe a commencé, c’est reparti pour une année.

2 réflexions sur “Rentrée

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